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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Plusieurs d’entre eux, ayant repéré des traces de pas, petites empreintes, dans la terre meuble, pensèrent avoir affaire à un jeune maraudeur et s’étaient mis à l’affût. Quelle n’avait pas été leur surprise en voyant, à l’aube, une femme sortir de la villa Diodati et dévaler la pente. Elle avait été si émue, à la vue des vignerons qui riaient de la voir courir, qu’elle avait perdu une chaussure et ne s’était pas arrêtée pour la ramasser. Les paysans avaient remis le petit soulier au syndic de Cologny, qui attendait toujours, en cette fin mai, qu’on vînt le réclamer 8  !
     
    Ce n’est que le 25 juin, alors qu’ils étaient depuis longtemps rentrés à Vevey, que Chantenoz et son élève entendirent à nouveau parler de lord Byron et de son ami Shelley par Pierre Valeyres, le maître bacouni des Métaz. Les deux poètes avaient décidé de faire le tour du lac sur le seul voilier doté d’une quille qu’on pût trouver à Genève. C’était un bateau anglais, importé de Bordeaux ! Après des escales à Nanier, à Évian et à Meillerie, ils s’engageaient dans la traversée du Léman, en direction de Clarens, quand un orage, accompagné de fortes rafales de vent, comme il s’en produisait trop souvent en cet été pourri, avait transformé le « lac de cristal » en une mer démontée. D’après Valeyres, qui avait vu les Anglais revenir au rivage, lord Byron s’était déjà débarrassé de ses vêtements pour nager plus à l’aise en cas de naufrage et, surtout, pour sauver son ami Shelley. Ce dernier ignorait la brasse et, couché au fond du bateau, affirmait qu’il s’abandonnerait à la noyade ! Comme Valeyres avait ajouté que les deux hommes devaient se rendre à Clarens pour tenter de retrouver le bosquet de Julie avec la Nouvelle Héloïse sous le bras, puis à Chillon pour visiter le cachot de Bonivard, Axel emprunta le cabriolet de sa mère et emmena Janet visiter le château, espérant y rencontrer le poète.
     
    Ils arrivèrent trop tard, mais le gardien leur montra, sur le pilier auquel avait été enchaîné le condamné, le nom du lord, gravé de sa main. Miss Moore, sans doute inspirée par ce geste de vandale révérencieux, voulut que son compagnon inscrivît au couteau : « Axel et Janet », sur un rocher affleurant dans le cachot. Très maladroitement, elle emprunta ensuite la lame du garçon pour enfermer, dans le tracé malhabile d’un cœur, leurs prénoms accolés.
     
    – Je suppose qu’après ça il ne vous reste qu’à m’embrasser, dit la jeune fille, que la pénombre rendait audacieuse.
     
    Axel lui posa sur la joue un baiser fraternel. Elle fit la moue, se détourna et marcha en sautillant vers la poterne, ouverte sur la lumière. Elle avait espéré mieux !
     
    Le lendemain, au cours du souper, M me  Métaz, qui rentrait de Lausanne où elle comptait toujours trouver des nouvelles de Blaise de Fontsalte exilé dans le Massachusetts, apprit à son fils que lord Byron et son ami Shelley, une fois de plus surpris par le mauvais temps, avaient dû s’arrêter à Ouchy. Ils logeaient à l’hôtel de l’Ancre 9 où, d’après une servante, M. Byron écrivait toute la nuit en marmonnant. Certains disaient que le poète paraissait de méchante humeur. Pendant sa navigation sur le lac, il avait, en effet, laissé échapper sa canne-épée dans l’eau et attendait avec impatience que son ami Hobhouse, auquel il avait écrit d’Évian le 23 juin, lui envoyât une nouvelle canne-épée de chez Jackson, « le seul qui sait ce que je veux 10  », avait-il précisé !
     
    Chantenoz emprunta à son tour le cabriolet de Charlotte pour courir à Ouchy, espérant obtenir des servantes de l’hôtel de l’Ancre une page de brouillon du poète, qui, d’après les domestiques, semait partout des « écritures froissées ». Comme Axel à Chillon, il arriva trop tard. Sa Seigneurie et ses amis étaient déjà partis pour Genève. Quant aux papiers trouvés épars dans sa chambre, ils avaient été brûlés 11  !
     
    Les dernières nouvelles qu’on eut, cet été-là, du poète furent des échos de ses visites à M me  de Staël. Les journaux affirmaient que lord Byron aimait Coppet et tenait en grande estime sa propriétaire. Mais la présence de Childe Harold n’était pas, d’après lady Moore, qui avait rendu visite à la châtelaine, appréciée de tous les invités de Germaine de Staël, maintenant secrètement

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