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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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plat, qui se révéla invendable. Mais M. Métaz disposait, grâce aux bonnes prévisions de Blanchod, du tiers des deux précédentes vendanges. Cette réserve, mûrie dans ses chais, lui permit d’honorer les commandes de sa clientèle de Genève et de Berne au double du prix qu’il aurait normalement obtenu !
     

    Dans tous les cantons, le numéraire devenait rare à cause des achats de grains étrangers et ceux qui disposaient de capitaux ne manquaient pas d’en tirer profit. Le gouvernement vaudois finit par ouvrir une souscription auprès des citoyens et des municipalités et recueillit plus de sept cent mille francs, qui permirent d’acheter soixante-cinq mille quintaux de froment italien livré à Marseille. Guillaume Métaz, en tant que transporteur, fut intéressé à l’opération. Il fut aussi l’un des premiers bourgeois à demander qu’on attribuât des secours aux déshérités et aux ouvriers privés de travail par les intempéries. Ces gens couraient le risque de ne plus pouvoir nourrir leur famille. Le prix du pain avait doublé, celui de la viande augmenté de vingt à trente pour cent et le vin, même à Vevey, valait un franc vingt-cinq le pot !
     
    Noël et le jour de l’An furent fêtés sans fastes, encore que les menus de Rive-Reine ne soient pas obérés par la disette, thème inévitable des conversations. Devant la table bien garnie, Chantenoz, facilement provocateur après boire, ne manqua pas de faire allusion aux profits que tirait Guillaume de la situation.
     
    – Il arrive que la famine des uns nourrisse les autres, glissa-t-il à Charlotte.
     
    Celle-ci prit aussitôt la défense de son mari :
     
    – Guillaume a tout simplement été prévoyant. Avec Blanchod, ils ont envisagé les mauvaises récoltes et emmagasiné de quoi satisfaire notre clientèle, tout simplement. Il n’y a rien de honteux là-dedans, non ! Ce sont les affaires !
     
    – Ce sont les affaires, en effet, convint Chantenoz, persifleur éméché.
     
    Lady Elizabeth avait annoncé son départ pour les premiers jours de janvier, ce qui rendait Axel très morose et Janet d’autant plus triste qu’elle n’avait jamais obtenu que le fils Métaz lui manifestât plus qu’une amitié attentive mais sans élan. Mrs. Moore avait beau dire à sa fille que le garçon était amoureux mais que la timidité d’Axel, la réserve connue des huguenots vaudois et le fait qu’il fît des études sérieuses l’empêchaient de trop s’engager, Janet souffrait du manque d’amourette. Elle guettait un écho sentimental et le silence absorbait ses appels comme le lac un galet. Aussi, quand Mrs. Moore proposa à M me  Métaz d’emmener son fils passer quelques mois en Angleterre, pour parfaire ses connaissances en anglais et son éducation, Janet battit des mains. Elle était bien persuadée que l’acceptation d’Axel – s’il acceptait – serait un premier pas vers un attachement plus complet. À Londres, et plus encore peut-être à Pendlemoore, le domaine de son père, elle pourrait paraître à son avantage, inciter Axel à prendre en compte les sentiments qu’il inspirait et que Mrs. Moore ne désapprouvait pas.
     
    La confiance de Janet grandit quand sa mère lui confirma qu’Axel avait accepté avec enthousiasme la perspective d’un séjour en Angleterre et que M me  Métaz n’y était pas hostile. Tout le monde ignorait, bien sûr, que le plus cher désir du garçon était de ne pas être séparé d’Eliza, à qui il vouait un culte sensuel. Quant à Charlotte, elle estimait que Janet ferait une bru idéale, aristocrate, jolie et riche.
     
    La décision revenant à Guillaume, celui-ci fut promptement consulté. Après une journée de réflexion, qui parut un siècle aux intéressés, et une visite au pasteur, qui mit en garde M. Métaz contre la religion anglicane, déviation de la religion réformée, Guillaume donna son accord. Il exigea seulement que Chantenoz fût du voyage, Axel ne pouvant interrompre ses études.
     
    Le précepteur fit mine d’hésiter un moment, pour taquiner Axel, puis il se déclara enchanté.
     

    Le 20 janvier 1817, par temps clair et froid sec, l’élégant coupé aubergine de Mrs. Moore, suivi d’une grande voiture où s’entassaient une gouvernante et deux femmes de chambre, d’une tapissière transportant le valet et les bagages, quitta la cour de l’auberge des Trois-Couronnes, devant un personnel plein de regrets de voir partir cette

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