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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pieuse sans être austère. Si, le dimanche, quand elle n’allait pas entendre la messe à Échallens, elle s’habillait de noir, s’enveloppait la tête d’un voile et ne portait ni collerette de dentelle ni bijoux, c’était par respect pour les convictions de son mari et pour être en harmonie avec la toilette de sa belle-mère, chez qui les époux prenaient alors le repas dominical. La jeune femme estimait devoir ce sacrifice vestimentaire à Guillaume, puisque ce dernier l’autorisait, deux fois par mois, à quitter la ville et à se rendre à Échallens. La chambre de Réforme de Vevey, chargée de « surveiller les progrès de la religion et de sanctionner les mœurs », n’avait pas manqué de relever ces absences. Aux remarques du pasteur, Guillaume Métaz avait répliqué sèchement qu’il entendait que la chambre de Réforme respectât, comme la Constitution l’exigeait, la liberté de culte et s’abstînt désormais de tout commentaire sur la mixité religieuse de son foyer. Comme le père de Guillaume était conseiller d’église et l’un des plus influents citoyens de la communauté, le pasteur avait compris la leçon.
     
    Le ministre n’ignorait pas non plus que les Métaz n’avaient mis qu’une seule condition au moment de la signature du contrat de mariage de leur fils avec une papiste : les enfants mâles du nouveau couple seraient élevés dans la religion réformée, les filles suivant le désir de la mère, qui pourrait librement pratiquer sa religion.
     
    Quand Guillaume, accompagné de son père, avait présenté sa demande, quelques jours après celle exprimée beaucoup plus discrètement et en vers par Martin Chantenoz, M lle  Rudmeyer n’avait pas balancé plus de vingt-quatre heures entre ses deux prétendants. D’abord parce que, jeune fille de son temps, c’est-à-dire obéissante, elle était incapable d’entrer en rébellion ouverte contre ses parents, dont elle connaissait depuis longtemps les projets, ensuite parce que, ayant horreur de la pauvreté, du manque de confort et très soucieuse de considération, elle ne pouvait que choisir l’établissement le plus sûr et le plus flatteur.
     
    Au cours des fiançailles, Guillaume, toujours pratique, avait eu le temps de définir devant sa promise ce qu’il attendait d’une épouse. Il souhaitait qu’elle apportât au foyer une gaieté de bon aloi, se contentât de plaisirs simples, fût franche et sans dissimulation, discrète sur les affaires de son mari et la vie de famille, qu’elle fût docile, fidèle et s’appliquât à ne jamais donner à penser qu’elle pourrait ne pas l’être. Enfin, Guillaume, de nature pudibonde, avait gardé pour la fin le plus important, ce qui justifiait à ses yeux l’union d’un homme et d’une femme : qu’elle lui donnât de beaux et nombreux enfants.
     
    En trois années de mariage, M me  Métaz avait essayé de satisfaire en tout point son époux. Mais elle ne lui avait pas encore donné d’enfants.
     
    Charlotte étant fille unique, les Rudmeyer avaient trouvé en Guillaume Métaz, de neuf ans plus âgé que leur fille et lui aussi enfant unique, le fils sérieux, sobre et travailleur qui leur avait fait défaut. Quant à Charlotte, qui n’avait jamais connu de passion amoureuse autre que par des drames comme Paul et Virginie, Manon Lescaut, Hermann et Dorothée , et tenait le mariage pour une institution obligée, elle s’était accommodée sans effort d’un mari attentionné, aimable, qui ne l’importunait pas avec ses affaires et ne manifestait que rarement, et toujours avec gentillesse, son autorité.
     
    Guillaume, fier de la beauté et de l’instruction de sa femme, comme de ses barques et de ses vignes, s’interrogeait cependant quelquefois sur le peu de fécondité de sa belle-mère, de sa propre mère et craignait naïvement que la conjonction de sangs aussi peu productifs ne déterminât en Charlotte une désolante stérilité.
     
    Dans ce milieu vaudois où le travail de la terre, la culture de la vigne, le commerce du vin et la batellerie lacustre étaient les activités les plus honorables, sources de profits honnêtes – et bénies par Dieu puisque venant toutes de la nature –, le cercle des Métaz offrait, en dépit des incertitudes de l’heure, l’image d’un enviable bonheur.
     

    C’est par le Bulletin helvétique du 20 juin que l’on apprit, à Vevey, la victoire de l’armée française à Marengo et les termes de la

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