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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ça ?
     
    – Neutralité. Être neutre, c’est ne pas entrer dans le jeu d’adversaires qui vous sont étrangers. Notre Jeanne d’Arc, Nicolas de Flüe 6 , notre saint ermite, l’avait déjà conseillé au xv e  siècle. Ne l’as-tu pas appris par cœur, comme moi, au pensionnat, Élise ?
     
    – Si, je me rappelle ! Il disait : « Si vous entendez vivre dans la paix et la concorde, ne vous mêlez pas des affaires des autres, ne vous alliez pas aux princes étrangers. »
     
    – Mais il ajoutait, souviens-toi de toute la leçon, Élise : « Mais si quelqu’un s’avise de vous attaquer…
     
    – » … combattez vaillamment pour votre liberté et votre pays », achevèrent, d’une seule voix, les deux anciennes élèves de l’institut Sainte-Ursule de Fribourg.
     
    Pendant que sa femme agitait de grandes idées avec Élise Ruty, ou papotait chez d’autres amies, Guillaume Métaz ne perdait pas son temps à commenter un retour à une paix qu’il estimait à la fois précaire et prometteuse. En homme prévoyant, il visitait les carrières où il avait des intérêts. De Grandvaux, au bord du lac, où l’on extrayait du grès dur, jusqu’à Agiez et Montcherand, sur les contreforts du Jura, d’où l’on tirait calcaire blanc et tuf, en passant par Éclépens, mine de calcaire jaune, Guillaume allait, en cabriolet de louage, inspecter les exploitations en sommeil depuis un an. Il s’agissait de les rendre à nouveau productives afin d’être prêt à fournir les matériaux à ceux qui en auraient besoin. Aux Français surtout qui, débarrassés des soucis d’un conflit, allaient bientôt entreprendre d’importants travaux pour faire de la route du Simplon une voie de communication sûre entre la Suisse et la république Cisalpine.
     
    D’après les informations recueillies par Métaz, Bonaparte avait déjà désigné M. Céard, ingénieur en chef du département du Mont-Blanc, pour mener à bien, dans la montagne, une tâche gigantesque. Il s’agissait d’élargir le chemin muletier du col du Simplon pour en faire une route carrossable, permettant le gros roulage vers la Lombardie. Il faudrait tailler le roc, creuser des galeries, étayer les corniches, élever des parapets, établir des ponts solides sur les torrents. Ne serait-ce que pour remplacer celui qui avait été emporté sous les yeux du général Béthencourt au mois de mai, ce qui avait obligé l’officier et les mille soldats à traverser un gouffre suspendus à des cordes 7 .
     
    Guillaume n’aurait qu’à faire savoir au directeur du chantier – on parlait du général de division Thurreau de Linière – que l’entreprise Rudmeyer et Métaz, de Vevey, était capable de fournir et de transporter tous les matériaux nécessaires aux travaux, y compris gravier, pierre à chaux et même glaise à faire les tuiles.
     
    Les Métaz se souvenaient opportunément qu’ils avaient reçu Thurreau à leur table, lors du passage à Vevey de l’armée de réserve. Le général avait même fait un doigt de cour à Charlotte. Le rappel de cette aimable rencontre ne constituerait-il pas la meilleure introduction pour enlever un marché lucratif ?
     
    Le 6 juillet, le Bulletin helvétique publia un décret des consuls de la République française, daté du 28 juin. Martin Chantenoz trouva assez de noblesse à ce texte pour le lire à haute voix devant Charlotte, Guillaume et Blanchod, qui se trouvaient réunis, à la fraîche, sur la terrasse de Rive-Reine.
     
    – Écoutez ceci, c’est un bel exemple de prose militaire, qui prouve une fois de plus que, seule, la mort du soldat sanctifie la guerre !
     
    Puis il lut :
     
    – « Article premier : le corps du général Desaix sera transporté au couvent du Grand-Saint-Bernard où il lui sera élevé un tombeau.
     
    » Article II : les noms des demi-brigades, des régiments de cavalerie, d’artillerie, ainsi que ceux des généraux et chefs de brigades seront gravés sur une table de marbre placée vis-à-vis le monument.
     
    » Article III : les ministres de l’Intérieur et de la Guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté. »
     
    – Fermez le ban ! lança Simon Blanchod, un peu moqueur.
     
    – On ne doit pas rire de ces choses, fit Charlotte.
     
    – Naturellement, les consuls travaillent ainsi à l’édification du peuple. Desaix est un héros superbe, un modèle à suivre. Les

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