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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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à la population « qu’à la suite des victoires il ne peut survenir qu’une paix bienfaisante qui couronnera tout le bonheur des peuples ».
     
    – Ce sont les termes du message préfectoral, conclut Martin avec un sourire sceptique.
     

    Comme souvent les après-midi, Charlotte se rendit ce jour-là chez son amie Élise Ruty, épouse du notaire, qui venait de mettre au monde des jumelles. Les Ruty habitaient, au-delà du château de l’Aile, propriété de la famille Couvreu, une jolie maison posée au milieu d’un jardin ombragé qui méritait le nom de parc. M me  Métaz sortit par la porte du Sauveur, traversa la place du Marché et s’engagea au bord du lac, sur la longue esplanade plantée de marronniers, à l’ouest de la cité.
     
    Les soirs d’été et les dimanches, la promenade était fréquentée par les familles. Elle offrait un point de vue unique sur le Léman. Par temps clair, on pouvait reconnaître, sur la rive savoyarde, Évian, Saint-Gingolph et les rochers de Meillerie. Sur la rive suisse, le regard portait à gauche jusqu’à Villeneuve, à droite jusqu’à Cully.
     
    Entre ville et promenade, dans l’axe de la place du Marché, accostaient les bateaux, ce qui permettait aux Veveysans de parer ce morceau de rivage du nom de port. C’est là qu’était établi, depuis plus d’un demi-siècle, le chantier des Rudmeyer, devenu, par le mariage de Charlotte, celui de Guillaume Métaz.
     
    Gendre respectueux, l’armateur-vigneron n’avait fait qu’accoler son nom à celui de son beau-père, fondateur de l’entreprise. Sur le site, on construisait et réparait les grandes barques pontées à deux mâts, à étrave haute et pointue, véritables navires marchands du Léman, dont les voiles latines donnaient une touche maritime et romantique au paysage lacustre. Toile de fond changeante, les montagnes de Savoie, tantôt nettes, tantôt floues, que l’humidité de l’air, la chaleur du soleil, l’évaporation, les brumes ou quelque mirage inexpliqué rendaient tour à tour proches ou lointaines, constituaient le meilleur baromètre des Veveysans. Certains jours de novembre, les riverains, ouvrant leurs volets, constataient que les montagnes d’en face s’étaient absentées, gommées du paysage, absorbées par le brouillard. Le lac gris prenait alors l’immensité factice d’un océan inconnu.
     
    Quand la Savoie paraissait se rapprocher, les Vaudois assuraient que le temps allait changer. Des nuages bas s’effilochant à mi-hauteur de la dent d’Oche annonçaient la pluie.
     
    La tranquille beauté du lac avait, depuis toujours, inspiré les peintres. Il n’était pas rare que l’on vît, installé devant son chevalet, abrité par une grande ombrelle, le jeune maître de dessin Christian-Gottlieb, dit Théophile, Steinlen 5 , occupé à peindre pour la dixième fois la place du Marché ou le portrait d’une Veveysanne en train de tricoter. Depuis le retour des Français, l’artiste ne se montrait plus. S’il avait fui, avec son frère, leur Wurtemberg natal, c’était pour échapper aux dangers de la guerre et à la fréquentation des militaires !
     
    Élise Ruty accueillit Charlotte avec des transports de joie, comme toutes les femmes qui viennent d’apprendre la fin d’une guerre. Le notaire, comme Guillaume Métaz, son ami de jeunesse, escomptait une reprise des transactions, figées depuis le passage des troupes françaises dont on commençait à chiffrer le coût pour les communes et les particuliers.
     
    – Pense donc que le séjour de Bonaparte à Lausanne aurait coûté mille quatre-vingt-trois livres et huit sols, a dit à mon mari un membre de la Chambre administrative, confia Élise à Charlotte.
     
    – Guillaume a fait, lui aussi, ses comptes et il espère bien rentrer dans ses sous. Mais le plus important, Élise, c’est que nous allons revoir Flora. Elle peut maintenant revenir à Vevey sans crainte. Mon mari envoie une barque à Meillerie demain. Un bacouni portera une lettre à Flora pour lui annoncer la bonne nouvelle, précisa Charlotte.
     
    – J’espère, comme sa sœur, l’épicière de La Tour-de-Peilz, que cette aventure l’aura calmée. Qu’elle ne se mêlera plus de rien, Flora. D’ailleurs, n’est-ce pas l’intérêt des Suisses, de se tenir à l’écart de ces guerres où ils n’ont rien à gagner et tout à perdre ! Comment dit-on quand on ne se mêle pas des affaires des autres, il y a un mot pour exprimer

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