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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Lausannoises, une aimable correspondance. Ce médaillon figurait au-dessus de la coiffeuse de Charlotte, qui ne pouvait jamais sucer un grain de raisin confit sans se souvenir du regard mouillé de l’homme tout en rondeurs qui, le premier, lui avait fait goûter cette friandise. Tante Mathilde espérait bien aussi approcher William Beckford, un lord original, dont l’étrange conte oriental et gothique, Vathek , faisait ses délices et ceux de Martin Chantenoz.
     
    C’est pourquoi Charlotte regrettait fort et souvent, en présence de son mari, que Lausanne fût « si loin de Vevey pour ceux qui n’ont pas leur propre voiture ». Les deux villes n’étaient cependant distantes que de quatre lieues et demie, mais s’y rendre par le char découvert, dit « à l’allemande », qui transportait les dépêches et un ou deux voyageurs, quatre fois par semaine, entre Lausanne et Vevey, prenait trois bonnes heures à cause des arrêts et des stations que le voiturier ne manquait pas de faire dans les estaminets. Non seulement le véhicule était inconfortable et les voyageurs exposés aux intempéries, mais ceux qui utilisaient ses services devaient obligatoirement passer une nuit à Lausanne, le départ de Vevey ayant lieu l’après-midi.
     
    Seuls les Veveysans disposant de leur propre voiture pouvaient effectuer l’aller et retour dans la journée.
     
    Guillaume Métaz n’était pas dupe des considérations de sa femme quant à la médiocrité des moyens de transport entre Vevey et Lausanne, ville de près de dix mille habitants, où l’on trouvait toutes les distractions. Mais il voulait encore ignorer avec obstination le désir manifesté, de façon oblique, par son épouse de posséder, au moins, un cabriolet.
     
    D’abord, les affaires n’étaient pas assez prospères pour qu’il pût envisager une dépense à ses yeux inutile et ostentatoire. Guillaume Métaz, en bon Vaudois, ne souhaitait pas fournir les signes extérieurs qui permettent aux jaloux d’évaluer votre fortune. Et puis ne valait-il pas mieux, en cette période pleine d’incertitudes du fait de la guerre, des impositions françaises et surtout des menées fédéralistes tendant à obtenir une plus grande autonomie des cantons, investir dans quelques perches de terrain à bâtir, quelques arpents de vigne supplémentaires qui étendraient le vignoble familial ou, même, construire une nouvelle barque pontée pour transporter le vin, le bois et les pierres des carrières de Meillerie vers Nyon et Genève ?
     
    Entreprenant, mais économe et pratique, Guillaume s’était cependant promis d’offrir une limonière à sa femme dès qu’elle lui aurait donné un fils. Or, mariés depuis trois ans, les Métaz attendaient toujours un héritier et Guillaume avec plus d’impatience que Charlotte. Cette dernière semblait en effet souffrir plus du manque de voiture que de l’absence d’enfant !
     
    La frustration de M me  Métaz s’augmentait du fait que ses parents avaient toujours possédé leur voiture, une berline à quatre chevaux, dont elle avait disposé jusqu’à la mort de son père. Mais, devenue veuve, M me  Rudmeyer, fervente papiste, s’était retirée dans le fief catholique d’Échallens, en conservant sa berline. Elle envoyait celle-ci à sa fille un samedi sur deux, afin que Charlotte vînt assister, à Échallens, à la messe dominicale qu’on ne célébrait pas à Vevey.
     
    M me  Métaz se trouvait donc contrainte, pour se rendre à Lausanne, de prendre le char de la poste, ce qu’elle se refusait à faire, ou d’attendre que sa tante lausannoise l’envoyât chercher par son cocher, ce qui n’arrivait pas souvent et déplaisait fort à Guillaume. Ce dernier n’avait aucune sympathie pour la parente de sa femme, qu’il jugeait prétentieuse, écervelée et d’une vertu douteuse, parce que célibataire à plus de quarante ans « bien qu’entourée d’hommes » ! En bon huguenot, il affichait, de surcroît, une grande méfiance envers des « amusements » que l’on pouvait trouver dans une ville où vivaient autant d’étrangers – des Anglais surtout – que de Vaudois !
     
    Comme il n’était pas homme à perdre son temps pour accompagner son épouse dans des salons où l’on jouait des tragédies, récitait des vers ou susurrait des mélodies endormantes, Guillaume Métaz demandait, à l’occasion, à Martin Chantenoz, poète et érudit, de remplir auprès de Charlotte le rôle de

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