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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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mais
je suis sûr qu’eux le voulaient vivant. Quelle déception a dû être la
leur à l’annonce de ce meurtre absurde ! La société qui produit de tels
comportements, de tels aliénés, me dégoûte. « Je n’aime pas les gens
indifférents à la vérité », a écrit Pasternak. Et pires encore sont les
punaises qu’elle indiffère mais qui œuvrent contre elle aussi activement. Tous
les secrets que Bousquet a emportés dans sa tombe… Il faut que j’arrête d’y
penser, ça me rend malade.
    Le procès Bousquet, cela aurait
dû être l’équivalent français d’Eichmann à Jérusalem.
203
    Allons bon, voilà autre
chose ! Je tombe sur le témoignage d’Helmut Knochen, nommé par Heydrich
chef des polices allemandes en France, lors du passage de celui-ci à Paris. Il
prétend révéler une confidence que lui fit Heydrich à cette occasion, et qu’il
n’avait encore jamais répétée à personne. Ce témoignage date de…
juin 2000, cinquante-huit ans plus tard !
    Heydrich lui aurait dit :
« La guerre ne peut plus être gagnée, il faudra trouver une paix de
compromis et je crains qu’Hitler ne puisse l’admettre. Il faut y
réfléchir. » Cette réflexion lui aurait donc été faite en mai 1942,
avant Stalingrad, alors que le Reich n’a jamais semblé aussi fort !
    Knochen y voit là
l’extraordinaire clairvoyance d’Heydrich, qu’il considère comme beaucoup plus
intelligent que tous les autres dignitaires nazis. Il comprend également
qu’Heydrich envisage la possibilité de renverser Hitler. Et à partir de là, il
nous livre cette théorie inédite : l’élimination d’Heydrich aurait
constitué une priorité absolue pour Churchill, qui en aucun cas ne voulait
qu’on le prive d’une victoire totale sur Hitler. Bref, les Anglais auraient
soutenu les Tchèques parce qu’ils avaient peur qu’un nazi avisé comme Heydrich
n’écarte Hitler et sauve le régime nazi grâce à une paix de compromis.
    Je soupçonne que c’est dans
l’intérêt de Knochen de s’associer à l’hypothèse d’un complot contre Hitler,
pour minimiser son rôle bien réel dans l’appareil policier du III e Reich. Il est même tout à fait envisageable que soixante ans plus tard,
lui-même soit convaincu de ce qu’il raconte. Pour ma part, je pense que c’est
n’importe quoi. Mais je rapporte quand même.
204
    J’ai lu dans un forum un
lecteur très convaincu qui disait à propos du personnage de Littell :
« Max Aue sonne vrai parce qu’il est le miroir de son époque. » Mais
non ! Il sonne vrai (pour certains lecteurs faciles à blouser) parce qu’il
est le miroir de notre époque : nihiliste post-moderne, pour faire
court. À aucun moment, il n’est suggéré que ce personnage adhère au nazisme. Il
affiche au contraire un détachement souvent critique vis-à-vis de la doctrine
national-socialiste, et en cela, on ne peut pas dire qu’il reflète le fanatisme
délirant qui régnait à son époque. En revanche ce détachement qu’il
affiche, cet air blasé revenu de tout, ce mal-être permanent, ce goût pour le
raisonnement philosophique, cette amoralité assumée, ce sadisme maussade et
cette terrible frustration sexuelle qui lui tord sans arrêt les entrailles…
mais bien sûr ! Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? Soudain,
j’y vois clair : Les Bienveillantes , c’est « Houellebecq chez
les nazis », tout simplement.
205
    Je crois que je commence à
comprendre : je suis en train d’écrire un infra roman .
206
    Le moment approche, je le sens.
La Mercedes est en route. Elle arrive. Il flotte dans l’air de Prague quelque
chose qui me transperce jusqu’aux os. Les lacets de la route dessinent la
destinée d’un homme, et d’un autre, et d’un autre, et d’un autre. Je vois des
pigeons qui décollent de la tête de bronze de Jan Hus et, en arrière-plan, le
décor le plus beau du monde, Notre-Dame-de-Týn, la cathédrale noire aiguisée de
ses tourelles, celle-là même qui me donne envie de tomber à genoux chaque fois
que je peux admirer la grise majesté de sa façade maléfique. Le cœur de Prague
bat dans ma poitrine. J’entends le grelot des tramways. Je vois des hommes en
uniforme vert-de-gris dont les bottes claquent sur le pavé. J’y suis presque.
Je dois y aller. Il faut que je me rende à Prague. Je dois être là-bas au
moment où cela va se produire.
    Je dois l’écrire là-bas.
    J’entends le moteur de la
Mercedes noire qui file sur la

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