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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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à signaler. La seule chose un peu surprenante, ce sont ces espèces
de mèches de cheveux trouvées dans la plaie et dispersées dans le corps. Les
docteurs ont mis du temps à comprendre d’où cela provenait : c’est le
siège en cuir de la Mercedes, éventré sous le choc, qui était rembourré avec du
crin de cheval. À la radiographie, on craignait que des petits éclats de métal
ne se soient logés dans les organes vitaux. Il n’en est rien, et le gotha
germanopragois commence à respirer. Lina, qui n’a été prévenue qu’à
15 heures, est à ses côtés. Groggy, il articule faiblement, en s’adressant
à sa femme : « Prends soin de nos enfants. » À ce moment-là, lui
ne semble pas très sûr de son futur.
    La tante Moravec est folle de
joie. Elle fait irruption chez son concierge et demande : « Vous êtes
au courant pour Heydrich ? » Oui, ils sont au courant, à la radio, on
ne parle que de ça. Mais on donne aussi le numéro de série du deuxième vélo
abandonné sur les lieux. Son vélo. Ils ont oublié de l’effacer. Sa joie retombe
immédiatement et se transforme en plainte amère. Blême, elle reproche aux
garçons leur négligence. Mais elle n’en est pas moins résolue à leur venir en
aide. Cette petite dame est décidément une femme d’action et ce n’est pas le
moment de se lamenter. Elle ne sait pas où ils sont, elle doit les retrouver.
Infatigable, elle repart.
    On placarde partout en ville
les affiches rouges bilingues utilisées dès qu’il y a une communication à faire
à la population locale, et celle-ci restera sans aucun doute comme le clou de
la collection, qui proclame :
     
    « 1. LE
27 MAI 1942 A ÉTÉ COMMIS À PRAGUE UN ATTENTAT CONTRE LE REICHPROTEKTOR PAR
INTÉRIM, SS OBERGRUPPENFUHRER HEYDRICH.
    Pour l’arrestation
des coupables une récompense de dix millions de couronnes est prévue. Quiconque
héberge ces criminels, leur fournit une aide ou, les connaissant, ne les
dénonce pas sera fusillé avec toute sa famille.
    2. Dans la
région de l’Oberlandrat de Prague, l’état de siège est proclamé par la lecture
de cette ordonnance à la radio. Les mesures suivantes sont arrêtées :
    a) Défense à la
population civile, sans exception, de sortir dans la rue du 27 mai
21 h au 28 mai 6 h ;
    b) Fermeture
absolue des auberges et restaurants, cinémas, théâtres, lieux de distraction,
et arrêt de tout trafic sur la voie publique pendant les mêmes heures ;
    c) Quiconque,
en dépit de cette interdiction, apparaîtra dans la rue, sera fusillé s’il ne
s’arrête pas à la première sommation ;
    d) D’autres
mesures sont prévues et, au besoin, seront annoncées par la radio. »
     
    À partir de 16 h 30,
cette ordonnance est lue à la radio allemande. À partir de 17 heures, la
radio tchèque commence à la diffuser toutes les demi-heures. À partir de
19 h 40 toutes les dix minutes, et de 20 h 20 à
21 heures, toutes les cinq minutes. Je suppose que ceux qui ont vécu cette
journée à Prague, s’ils sont toujours vivants aujourd’hui, peuvent encore
réciter par cœur le texte dans son intégralité. À 21 h 30, l’état de
siège est étendu à tout le Protectorat. Entre-temps Himmler a rappelé Frank
pour confirmer les nouvelles directives d’Hitler : exécuter immédiatement
les cent personnalités les plus significatives parmi les otages incarcérés à
toutes fins utiles depuis l’arrivée d’Heydrich à Prague en octobre de l’année
dernière.
    À l’hôpital, on vide les
armoires de toute la morphine qu’on peut trouver pour soulager le grand blessé.
    Le soir venu, une rafle démente
s’organise. 4 500 hommes des SS, SD, NSKK, Gestapo, Kripo, et autres
Schupo, plus trois bataillons de la Wehrmacht, investissent la ville. Avec le
concours de la police tchèque, ce sont plus de 20 000 hommes qui
participent à l’opération. Toutes les voies d’accès sont neutralisées, tous les
grands axes sont bloqués, les rues sont barrées, les immeubles perquisitionnés,
les gens contrôlés. Je vois partout des hommes armés sauter de camions
débâchés, courir en colonne d’un bâtiment à l’autre, envahir les cages
d’escalier dans le martèlement des bottes et le cliquetis de l’acier, tambouriner
aux portes, crier des ordres en allemand, sortir les gens de leur lit,
retourner leur appartement, les rudoyer en leur aboyant dessus. Les SS, tout
spécialement, semblent avoir complètement perdu le

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