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Valičík, et en dessous : 100 000 couronnes de
récompense. Suit une description relativement imprécise du parachutiste – et
c’est une chance qui s’ajoute au fait que la photo est peu ressemblante. Son
nom de famille est mentionné, mais le prénom et la date de naissance (qui le
rajeunit de cinq ans) sont erronés. Une petite note, à la fin, rappelle ce qui
fait toute la saveur des avis de recherche : « La récompense sera
remise avec la plus grande discrétion. »
227
Mais il y a mieux à voir que
cette affiche.
Bata a bâti son empire avant
guerre. Parti d’une petite fabrique de chaussures dans sa ville de Zlín, il a
développé une immense entreprise qui compte des magasins partout dans le monde
et d’abord en Tchécoslovaquie. Pour fuir l’occupation allemande, il a émigré
aux Etats-Unis. Mais pendant l’exil du patron, les magasins restent ouverts.
Sur la grande avenue Wenceslas, tout en bas, au n° 6, se dresse un
immeuble qui est une gigantesque boutique Bata. En vitrine, ce matin, ce ne
sont pas des chaussures qui sont exposées mais d’autres articles. Un vélo, deux
sacoches en cuir et, sur un portemanteau, un imper et un béret, les pièces à
conviction trouvées sur les lieux du crime, accompagnées d’un appel à témoin.
Les passants qui s’arrêtent devant la vitrine peuvent lire :
« Considérant
la récompense promise de dix millions de couronnes pour les indications qui
mèneront à l’arrestation des coupables et qui sera payée intégralement, il
convient d’indiquer que les questions suivantes se posent :
1. Qui peut
donner des informations sur les criminels ?
2. Qui s’est
aperçu de leur présence sur les lieux du crime ?
3. À qui
appartiennent les objets décrits et, avant tout, à qui manque cette bicyclette
de dame, le manteau, le béret et la serviette ?
Quiconque pourrait
fournir les informations demandées et ne les communiquerait pas volontairement
à la police sera fusillé avec sa famille, aux termes de l’ordonnance du
27 mai sur la proclamation de l’état de siège.
Toutes les personnes
peuvent être assurées que leurs indications seront reçues de manière
strictement confidentielle.
En outre, dès le
28 mai 1942, il est du devoir de tous les propriétaires de maison,
d’appartement et d’hôtel, etc., de déclarer à la police toutes les personnes
dans le Protectorat entier dont le séjour n’aurait pas encore été annoncé aux
commissariats de police. L’infraction à cette prescription sera punie de mort.
SS-Obergruppenführer
Chef
de la police
auprès
du Reichprotektor
de
Bohême-Moravie
K.
H. Frank »
228
Le gouvernement tchèque en exil
déclare que l’attentat perpétré contre le monstre Heydrich est à la fois un
acte de vengeance, un rejet du joug nazi et un symbole donné à tous les peuples
d’Europe oppressés. Les coups tirés par les patriotes tchèques sont un
témoignage de solidarité envoyé aux Alliés et de foi en la victoire finale qui
retentira dans le monde entier. De nouvelles victimes parmi les Tchèques
tombent déjà sous les balles des pelotons d’exécution allemands. Mais ce nouvel
accès de fureur nazie sera encore brisé par la résistance inflexible du peuple
tchèque et ne fera que renforcer sa volonté et sa détermination.
Le gouvernement tchèque en exil
encourage la population à cacher les héros inconnus et menace d’un juste
châtiment quiconque les trahirait.
229
Dans sa boîte postale de
Zurich, le colonel Moravec reçoit un télégramme envoyé par l’agent A54 :
« Wunderbar – Karl ». Paul Thümmel, alias A54, alias René,
alias Karl, n’a jamais rencontré Gabčík et Kubiš et n’a pas participé
directement aux préparatifs de l’attentat. Mais avec ce simple mot, il se fait
l’écho du sentiment de joie puissante éprouvé à l’annonce de la nouvelle par
tous les combattants du nazisme dans le monde.
230
On sonne chez le concierge.
C’est Ata, le jeune fils Moravec, qui vient chercher Valičík. Le concierge
ne veut pas qu’il parte. Il pourrait vivre dans le grenier, au cinquième,
personne n’irait le chercher là-haut… Valičík aime bien les gâteaux que
lui fait la femme du concierge, il dit qu’ils sont aussi bons que ceux de sa
mère. Ici, il joue aux cartes en écoutant la BBC. Le premier soir, il est allé
se cacher dans la cave parce qu’un agent de la Gestapo est passé dans
l’immeuble. Mais il se sent en
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