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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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qui, toute confuse, ne voulait pas les
accepter. La richesse du fascicule qu’elle m’a offert est telle que sans lui – et
donc sans elle – ce livre n’aurait sans doute pas eu la forme qu’il va
prendre maintenant. Je regrette de n’avoir pas osé lui demander son nom, pour
pouvoir la remercier encore un peu plus solennellement ici.
9
    Quand elle était au lycée,
Natacha a participé deux ans de suite au concours de la Résistance, et les deux
fois elle a terminé première, ce qui, à ma connaissance, ne s’était jamais
produit auparavant et ne s’est jamais reproduit depuis. Cette double victoire
lui donna l’occasion, entre autres, de faire le porte-drapeau dans une
cérémonie commémorative et de visiter un camp de concentration en Alsace. Or,
durant le trajet en car, elle était assise à côté d’un ancien résistant qui se
prit d’affection pour elle. Il lui prêta des livres, des documents, et ils se
perdirent de vue. Dix ans plus tard, lorsqu’elle m’a raconté cette histoire,
avec la culpabilité qu’on imagine puisqu’elle avait toujours en sa possession
les documents prêtés et qu’elle ne savait même pas si son résistant était
encore en vie, je l’ai incitée à reprendre contact et, bien qu’il eût déménagé à
l’autre bout de la France, j’ai retrouvé sa trace.
    C’est ainsi que nous lui avons
rendu visite chez lui, dans une belle maison toute blanche, du côté de
Perpignan, où il s’était installé avec sa femme.
    En sirotant du muscat, nous
l’écoutions raconter comment il était entré dans la Résistance, comment il
avait pris le maquis, quelles étaient ses activités. En 1943, il avait
19 ans et il travaillait à la laiterie de son oncle qui, d’origine suisse,
parlait allemand, si bien que les soldats qui venaient se ravitailler avaient
pris l’habitude de s’attarder un peu pour discuter avec quelqu’un qui parlait
leur langue. Tout d’abord, on lui demanda s’il pouvait glaner des informations
intéressantes dans les propos échangés par les soldats avec son oncle, sur des
mouvements de troupes par exemple. Puis on lui fit faire des parachutages,
c’est-à-dire qu’il aidait à récupérer des caisses de matériel parachutées de
nuit par des avions alliés. Enfin, quand il fut en âge d’être réquisitionné
pour le STO et donc menacé d’être envoyé en Allemagne, il prit le maquis où il
servit dans des unités combattantes et participa à la libération de la
Bourgogne, apparemment activement si l’on se réfère au nombre d’Allemands qu’il
semble avoir tués.
    J’étais sincèrement intéressé
par son histoire, mais j’espérais aussi apprendre quelque chose qui puisse
m’être utile pour mon livre sur Heydrich. Quoi exactement, je n’en avais aucune
idée.
    Je lui demandai s’il avait
suivi une instruction militaire après avoir rejoint le maquis. Aucune, me dit-il.
Par la suite, on lui enseigna le maniement d’une mitrailleuse lourde, et il eut
quelques séances d’entraînement : démontage-remontage les yeux bandés, et
exercices de tir. Mais à son arrivée, on lui colla une mitraillette dans les
pattes et c’est tout. Une mitraillette anglaise, une Sten. Une arme absolument
pas fiable, paraît-il : il suffisait de frapper le sol avec la crosse pour
vider tout le chargeur dans les airs. De la saloperie. « La Sten, c’était
une vraie merde, on peut pas le dire autrement ! »
    Une vraie merde, tiens donc…
10
    J’ai dit que l’éminence grise
d’Hynkel-Hitler dans Le Dictateur de Chaplin s’inspirait d’Heydrich mais
c’est faux. Je passe sur le fait qu’en 1940, Heydrich était un homme de l’ombre
largement inconnu du plus grand nombre, a fortiori des Américains. Le
problème n’est évidemment pas là : Chaplin aurait pu deviner son
existence, et tomber juste. La vérité est que le sbire du dictateur dans le
film est certes présenté comme un serpent dont l’intelligence tranche avec le
ridicule de celui qui parodie le gros Göring, mais le personnage est également
chargé d’une part de bouffonnerie et de veulerie dans laquelle on ne peut pas
reconnaître le futur boucher de Prague.
    À propos des représentations
filmiques d’Heydrich, je viens de voir à la télé un vieux film de Douglas Sirk
intitulé Hitler’s Madman. Il s’agit d’un film de propagande, américain,
tourné en une semaine, sorti très peu de temps avant celui de Fritz Lang, Les
bourreaux meurent aussi , en

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