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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
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tout. Boniface
présenta son sauf-conduit de police au planton ensommeillé
qui gardait l’une des entrées latérales,
alléguant une affaire pressante. Qui n’en avait pas,
durant cette période agitée ?
    « À
votre place, je ne ferais pas monter madame, bâilla-t-il en
reluquant Astiza. Aucune femme ne monte plus. C’est surveillé
par un esprit.
    —  Un
esprit ? »
    Boniface
avait pâli.
    « Les
hommes ont entendu des trucs, en pleine nuit.
    —  Vous
parlez du comte ?
    —  Il
y a quelque chose qui bouge là-haut, même quand il n’est
pas là. »
    Un
large sourire exhiba ses dents jaunes.
    « La
petite dame peut rester avec moi.
    —  J’ai
toujours rêvé de voir un fantôme », dit
Astiza.
    On
monta au premier étage. La splendeur architecturale de ce
palais des Tuileries était toujours là, dans les vastes
pièces disposées en enfilade, les plafonds sculptés
aux lourdes corniches, les parquets d’essences diverses et les
cheminées pourvues de fioritures en quantité suffisante
pour décorer la moitié de Philadelphie. Mais les
peintures étaient sales, les papiers pendaient et les parquets
craquelés par le passage du canon dont le peuple s’était
servi pour obliger Louis XVI à réintégrer
l’édifice, en 1792. Des planches hâtivement
ajustées barraient encore les fenêtres fracassées.
Tout ce qui présentait un intérêt artistique,
donc pécuniaire, avait disparu, et nos pas éveillaient
des échos dans les vastes pièces dépouillées.
On avait la sensation d’avancer dans un espace unique, toujours
semblable, reflété à l’infini par des
miroirs disposés face à face.
    Enfin,
notre geôlier s’arrêta devant une porte fermée.
    « C’est
là qu’il habite. Il ne permet à personne d’y
entrer. Il ne laisse même pas les factionnaires s’en
approcher. Faisons vite. Il peut rappliquer d’un moment à
l’autre. »
    Il
jetait autour de lui des regards apeurés.
    « Où
est le fantôme ? souffla-t-il.
    —  Uniquement
dans votre imagination, Boniface.
    —  Mais quelque chose éloigne bien les curieux ?
    —  Oui.
La crédulité pour les histoires étranges. »
    La
serrure n’opposa qu’une faible résistance.
Boniface avait appris des tas de choses, au contact de ses
pensionnaires.
    « Bravo !
Rendez-vous dans les cryptes de Notre-Dame.
    —  Tu
me prends pour un imbécile ? Je ne vous lâche pas,
je veux m’assurer qu’il n’y a rien d’autre à
voler chez ce fameux comte ! Dépêchons-nous. »
    On
traversa une antichambre qui donnait accès à une vaste
pièce sur le seuil de laquelle on s’arrêta,
indécis.
    Sur
une table centrale gisait le cadavre d’un gros chien aux lèvres
retroussées par tout ce qu’il avait dû subir. Des
taches de peinture marquaient son pelage et sa peau largement privée
de poils. De grosses épingles reliées entre elles par
des bouts de fil métallique saillaient de la carcasse.
    « Mon
Dieu ,
qu’est-ce que c’est que ça ?
    —  Une
expérience parmi d’autres, Boniface. Silano fait joujou
avec résurrection et immortalité. »
    Notre
geôlier se signa précipitamment.
    Les
étagères pliaient sous le poids de livres et de
rouleaux probablement ramenés d’Égypte. Il y
avait aussi des douzaines de jarres remplies d’un liquide jaune
dans lequel nageaient des organismes divers, poissons aux yeux
immenses, anguilles enroulées sur elles-mêmes, oiseaux
au bec fiché dans leur propre plumage, petits mammifères
et même pièces détachées d’êtres
hétéroclites, membres de bébés, organes
d’adultes, cerveaux et langues, et dans un grand bocal, telles
des billes ou des olives, plusieurs globes oculaires dont la possible
origine humaine faisait froid dans le dos. Enfin, quelques crânes
indubitablement humains, et le squelette complet d’une créature
que je n’essayai même pas d’identifier. Plus des
rongeurs empaillés, alignés contre un mur, qui nous
suivaient de leurs yeux de verre.
    Près
de la porte avait été peint sur le parquet le classique
pentagramme, garni de symboles probablement prélevés
dans le livre. Des parchemins et des plaques portant d’autres
symboles pendaient aux murs entre des cartes anciennes et des
diagrammes de la Grande Pyramide. Je reconnus le motif cabalistique
qu’on avait rencontré au-dessous de Jérusalem,
parmi d’autres mélanges de traits, de chiffres et de
symboles tels qu’une croix tordue, inversée. Le tout
dans la lueur de cierges

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