Histoire De France 1715-1723 Volume 17
et en Italie, négligeaient comme peccadille, affaire de confessionnal. On payait cela avec quelque aumône aux couvents, quelque délation, un service au clergé.
Les pêcheurs, quoi qu'ils fissent, expiaient par un fanatisme cruel, horriblement sincère, par le dévouement à l'inquisition.
Madame de Villars vit, aux auto-da-fé, des seigneurs sauter des gradins, tirer l'épée, piquer, larder les victimes hurlantes, qu'on précipitait au bûcher.
Le roi, s'il n'agissait, du moins assistait, présidait, avec sa gracieuse reine. Un tel jour expiait des nuits. S'ils avaient des scrupules pour les péchés d'hier ou ceux qui se feraient demain, ils les compensaient par leur zèle, mettaient aux pieds de Dieu et les douleurs des autres et le petit supplice de voir tant de choses effroyables.
Ils comptaient que le ciel, touché de ces offrandes, bénirait leur expédition.
Certes, si les sacrifices humains, la chair brûlée, pouvaient lui plaire, jamais il n'eût dû être plus favorable.
Cette flotte d'Espagne allait rendre la Sicile aux moines qu'avait chassés le duc de Savoie, et y raviver les bûchers. Tout lui réussissait. Elle avait pris Palerme et elle allait prendre Messine, quand ellese vit suivre de près par Byng, par sa flotte, plus forte en canons. Byng avait demandé un armistice de deux mois et ne l'avait pas obtenu.
Le 11 août, l'amiral d'Espagne, incertain de ses intentions, avait quitté Messine, se trouvait devant Syracuse. Il voit Byng aller droit à lui, couper sa flotte, et, sans tirer encore, pousser ses vaisseaux au rivage. Un d'eux fit feu, et donna à l'Anglais le prétexte qu'il désirait.
Coïncidence singulière.
Le même jour, 11 août, le comte de Stanhope, premier ministre d'Angleterre, arrivait à Madrid voulant sauver Alberoni. Les vives plaintes du commerce anglais l'avaient changé, lui faisaient craindre une rupture avec l'Espagne. Il venait traiter, mais trop tard.
L'immense désastre avait eu lieu. Surpris et séparés, ne pouvant même combattre, les Espagnols, avec toute leur vaillance, furent irrésistiblement poussés à la côte, ou coulés. Un de leurs capitaines irlandais s'enfuit le premier. Plusieurs vaisseaux furent mis en feu. Vingt-trois périrent ou furent pris, avec 700 canons et 5,000 hommes. Byng renvoya les officiers, s'excusant froidement «de ce malentendu, pur accident, survenu par la faute de ceux qui tirèrent les premiers.»
Cruel, déplorable désastre,—mais qui faisait la paix du monde.
La mort de Charles XII qui survint en décembre, en fut une autre garantie.
Elle ne fut qu'un peu retardée en 1719, par notrecourte expédition d'Espagne et celle des Russes en Suède. Elle arrivait fatalement.
Un seul homme rit. Ce fut Dubois.
La France fut touchée. Et l'homme du Régent, Nancré, qui seul eut le courage de l'apprendre à Alberoni, ne le fit qu'en versant des larmes. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE VI
TRIOMPHE DU RÉGENT SUR LES BÂTARDS ET LE PARLEMENT
Août 1718.
Madame de Maintenon, dans sa pieuse retraite, octogénaire et si près de sa fin, suivait de l'œil les destinées du duc du Maine, son élève, ne désespérait pas de voir renverser le Régent. Elle accueillit avec bonheur la nouvelle des agitations de la Bretagne (24 janvier 1718). Les conjurés de Sceaux comptaient en profiter. M. de Laval, en Bretagne, M. de Pompadour, en Poitou, voulaient créer une Vendée .
Les six mille nobles de Bretagne, démocratie sauvage où tous votaient, le clergé et le Parlement (qui étaient deux noblesses encore), s'agitaient à l'aveugle au moment même où l'impôt fort réduit aurait dû calmer la province. Il était descendu de douze millions à sept (en 1718). En outre le Régent, malgré l'agitation, avait poussé la confiance jusqu'à autoriser desassemblées locales qui prépareraient le travail de l'assemblée générale (rouverte en juillet 1718). Celle-ci n'en fut que plus turbulente, et on fut obligé de la dissoudre. Pour qu'elle soulevât le peuple, il eût fallu deux choses, que les curés, le bas clergé, prêchant contre le Régent, lui montrassent sa foi en danger sous un prince si impie, et qu'en même temps une grande manifestation navale et militaire de l'Espagne apparût sur les côtes, une flotte de Philippe V sous le drapeau des fleurs de lis [7] .
Ces deux choses manquèrent également. Dubois, comme on a vu, par ses avances à Rome, divisa lesultramontains. Si beaucoup restèrent espagnols,
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