Histoire De France 1715-1723 Volume 17
quoique ennemi de Law, autorisa les comptables à recevoir les impôts en billets de sa Banque. On n'eut plus le spectacle barbare de voir l'argent voyager en nature, d'exposer de grosses voitures, chargées de métaux précieux, aux attaquesdes voleurs. Pour éviter ce danger, on n'avait jusque-là de ressources que des traites tirées par les receveurs sur les marchands de Paris, avec un bénéfice énorme pour les uns et les autres. Les billets de la Banque firent tout cela sans péril et sans frais.
Tout était libre et sûr dans cette institution. Contre les billets présentés, on vous donnait sur-le-champ des espèces. Et tout était lumière: les actionnaires eux-mêmes gouvernaient la Banque républicainement. De là, modération, sagesse. Ces billets si recherchés, on n'en crée en deux ans que pour 50 millions.
Les choses allèrent ainsi jusqu'en août 1717, jusqu'à l'agonie de Noailles. L'État, alors, dans sa détresse regarda vers cette Banque brillante et prospère, y chercha un secours.
Plus d'un gouvernement était alors au même point, et, dans sa défaillance, imaginait de se substituer une compagnie financière. L'Empereur accueillait le plan monstrueux d'une Banque qui eût payé pour lui, mais qui aurait été un État dans l'État. Cette Banque autrichienne, fondée sur des contributions forcées, le produit des confiscations, etc., était un horrible Grand Juge en matière financière, investie du pouvoir de condamner à son profit. Law, imploré par le Régent, n'exigea rien de tel.
Il ne demandait rien qu'à la vraie source des richesses, à la nature et au travail. Il s'adressait à la puissante nature du Nouveau Monde, non à la dangereuse Amérique tropicale, mais à celle qui, placée sous nos latitudes, est encore une Europe, une nouvelle France , le Canada, la Louisiane. On a fortdurement jugé son entreprise. Rappelons-nous ceci: il y fallait un siècle, et il n'eut que deux ans.
Dans cette création, il faut le dire pourtant, la prudence éclata moins que la générosité. Sa Compagnie d'Occident , fondée au capital nominal de cent millions, acceptait la condition de les recevoir en mauvais billets d'État qui perdaient les trois quarts, donc valaient seulement vingt-cinq millions. Et cela même, elle ne le recevait pas; mais (à la place) une simple rente annuelle de quatre millions. Notez encore qu'elle n'avait en tout que la première année, quatre millions, pour mettre à son commerce; la seconde année, les suivantes devaient être partagées entre les actionnaires. Ces quatre millions, c'était tout!
La Compagnie d'Occident , quelles que fussent ses chances de ruine, pour un moment fut le salut pour nous. Elle absorba une masse de ces billets sous lesquels on pliait. Elle permit de supprimer un impôt très-lourd, le Dixième.
Le Parlement, corps très-incohérent, en grande majorité honnête, mais de peu de lumière, très-ignorant (hors de son droit civil), était alors poussé par de fort dangereux meneurs. Après l'affaire populaire des monnaies, ils avaient cru que rien ne valait mieux, pour faire sauter le Régent, qu'un vaste procès criminel où l'on atteindrait plus ou moins tout ce qui l'entourait. Dans l'enquête, commencée mystérieusement, on poursuivait pêle-mêle et Law et les rivaux de Law. On attaquait avec le grand banquier nombre de gens qui l'exploitaient, le rançonnaient. On eût voulu pendre à la fois et les voleurs et le volé.
À la tête des voleurs qui pillaient Law était la maison de Condé. Le Parlement n'osait regarder si haut. Il s'en tenait à tel seigneur, tel duc et pair, par exemple un La Force, renégat du protestantisme, agioteur, accapareur. D'autres, avec les mains plus nettes, étaient attaqués par les parlementaires dans leur dignité, leur noblesse. Le président de Novion, dans ses enquêtes satiriques, prouvait la bourgeoisie de ces faux grands seigneurs, cruellement leur arrachait leurs noms.
Ces gens exaspérés poussaient tous le Régent contre le Parlement. Déjà, le 2 juillet, il avait dit nettement, ce qui était la vérité, «que ce corps n'était qu'une cour de judicature et d'enregistrement.» Depuis un demi-siècle il n'avait eu nulle connaissance d'affaires politiques, jusqu'à ce que le Régent, en 1715, lui reconnût le pouvoir de casser, annuler le testament du roi. De là cet orgueil insensé jusqu'en août 1718. Là il fit hardiment des actes de souveraineté, mettant le Régent en demeure de le
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