Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
arrivant d'un seul coup au remboursement, aurait produit bien plus qu'une banqueroute. Cette Compagnie, qui maintenantlevait l'impôt, était l'Administration même, elle eût emporté dans sa ruine le gouvernement, tout ordre public.
    L'Angleterre serait restée seule, et, seule, eût fait la paix. Il lui était extrêmement avantageux et agréable, après avoir fait la guerre par la France, de briser celle-ci. Elle avait promis, avec la garantie du Régent, que si l'Espagne subissait la quadruple alliance, elle lui rendrait Gibraltar. Un tel coup frappé sur la France dispensait l'Angleterre de se souvenir de sa promesse.
    Voilà ce qui pouvait tenter un violent patriote comme Stairs. Voilà ce qui très-justement effrayait Law. Il le voyait armé, entouré de gens dévoués. Il le voyait réunir à sa table jusqu'à cinquante chevaliers de l'ordre anglais de Saint-André. Il eut un instant l'idée de partir, de s'en aller à Rome. Nous le savons par Lemontey, si instruit et qui eut en main des documents aujourd'hui dispersés ou peu accessibles. Rien de plus vraisemblable. Je crois fort aisément qu'il voulait fuir non-seulement Stairs et ses ennemis, mais surtout ses amis, ses violents protecteurs, la grande armée des joueurs à la hausse qui le précipitait. Il sentait dans le dos la pression épouvantable, aveugle, d'une foule énorme, d'une longue colonne qui poussait furieusement. Les historiens économistes expliquent tout par son entraînement systématique, l'exagération de ses théories. Mais comment ne pas voir aussi cette poussée terrible qui le force d'aller en avant? Que trouvera-t-il au bout? un mur? un poignard? un abîme? Sans voir encore, il sent que celane peut bien finir. Donc, à gauche, à droite, il regarde s'il ne peut se jeter de côté. Laisser tout, grandeur et fortune, sacrifier son bien, reprendre, libre et pauvre, son métier de joueur à Rome ou à Venise, c'était sa meilleure chance, le plus beau coup qu'il eût joué jamais.
    Il aurait fallu pour cela partir seul un matin, n'en donner le moindre soupçon à sa famille même, à sa femme. Elle était la plus forte chaîne qui le rivât ici. Hautaine, ambitieuse, comme elle était, comment dût-elle le traiter, s'il osa parler de départ! Quoi! tout abandonner, se faire d'impératrice mendiante! avoir quitté honneur, devoir, patrie, puis maintenant quitter la France même, qui était dans leurs mains une si prodigieuse fortune, pour aller vivre de hasard dans quelque grenier de Venise!...
    Law, toujours jeune d'esprit, pensait bien et pensa toujours que quelque souverain, le czar ou l'empereur, serait trop heureux de l'employer. Mais c'est là que madame Law avait beau jeu pour lui faire honte, s'il rêvait ces châteaux de cartes en désertant ici l'édifice admirable qu'il avait déjà élevé. Il est certain, et il faut l'avouer, qu'il avait obtenu de grands résultats, et allait en obtenir d'autres. Son beau projet d'égalité d'impôt, même après la mort de Renaut, n'était nullement abandonné. Celui d'obliger le clergé à vendre une partie de ses biens ne pouvait que plaire au Régent. Sa Compagnie des Indes montrait une activité inouïe. En mars 1719 elle n'avait que 16 vaisseaux, et elle en eut 30 en décembre; elle en acheta 12 en mars 1720. En juin, son bilan révéla qu'ellepossédait ou avait en construction (vrai prodige!) trois cents navires. Elle fondait, à la fois, ici le port de Lorient, là-bas la Nouvelle-Orléans. Quelle gloire pour le Système! et comment laisser tout cela! Law, quoi qu'il arrivât, pouvait se consoler, se donner l'épitaphe de ce roi d'Orient: «Qu'importe de mourir!... En un jour j'ai bâti deux villes.»
    Mais le plus beau, dont on parlait le moins, et ce qui plus que tout le reste devait le retenir ici, c'était la France transformée, transfigurée, en quelque sorte. Il avait, à partir d'octobre, réalisé d'un coup les vues de Boisguilbert, devancé Turgot, Necker. Les vieilles barrières des douanes intérieures entre les provinces tombèrent par enchantement, les cent tyrannies ridicules qui tenaient le royaume à l'état de démembrement permanent. La libre circulation du blé, des denrées commença. On ne vit plus le grain pourrir captif dans telle province, tandis qu'il y avait famine dans la province d'à côté. Les hommes aussi librement circulèrent. Le travailleur put travailler partout, sans se soucier des entraves municipales. Un maître menuisier de Paris fut

Weitere Kostenlose Bücher