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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Pour aller à la caisse on passait par une enfilade de sept ou huit toises entre le mur et une barricade de bois. Les ouvriers robustes, pour prendre un rang meilleur, se mettaient sur la barricade, et de là se lançaient à corps perdu sur les épaules de la foule; les faibles tombaient, étaient foulés, étouffés, écrasés. D'autres filaient sur le mur du jardin, par les branches des marronniers, par des décombres. Buvat se trouva une fois, au passage, pris comme à un étau de fer. Une autre fois, un cocher fut tué à côté de lui d'un coup de feu.
    Dans la nuit du 16 au 17, il y avait quinze mille personnes. On était poussé, on poussait. Au jour, onvit avec horreur qu'on poussait des cadavres. Ils allaient, mais ils étaient morts. On en retire douze à quinze; on les promène devant l'hôtel de Law, dont on casse les vitres. On porte un corps de femme au Louvre, au petit Louis XV. Villeroi effrayé descend, paye l'enterrement. Trois corps vont au Palais-Royal. Il était six heures du matin. Le Régent, «blanc comme sa cravate,» s'habille en hâte. Deux ministres descendent, haranguent, amusent ce peuple, au fond crédule et débonnaire. Cependant des soldats déguisés avaient filé dans le Palais. À neuf heures, le Régent, assez fort, fit ouvrir la grille; le torrent s'y jeta; et, la grille se refermant, il fut coupé. On en eut bon marché.
    Law osa sortir à dix heures. Reconnu, arrêté, il descendit de voiture, montra le poing, et dit: «Canaille!» On recula. Lui entré au Palais-Royal, son carrosse fut brisé, le cocher blessé. Law n'osa plus sortir, coucha chez le Régent.
    Le Parlement, loin d'apaiser les choses, repousse durement les expédients de Law, ses essais misérables pour ramener un peu de vie, de confiance. Le 20 juillet, on exila ce corps au très-doux exil de Pontoise, vraie faveur qu'il méritait peu et qui le posait glorieusement devant le public. Le Régent donna de l'argent pour faciliter le petit voyage, en donna au premier président pour tenir table ouverte et régaler les magistrats. En arrivant, pour poser leur justice, leur inaliénable droit, ils dressèrent leur gibet, jugèrent, firent pendre un chat. Facétie déplacée dans ce moment tragique.
    Une autre, ce fut le spectacle du grand patriote Conti, qui vint mettre le poing sous le nez au Régent. Le héros de la rue Quincampoix, illustre par ses trois fourgons, grotesque par sa galante femme et par sa figure ridicule, tout à coup se pose en Caton. Lui seul peut réformer l'État. Il va se mettre à la tête des troupes, et prendre la Régence. On rit.
    Ce fou n'est pas le seul. Il arrive en ce temps ce qu'on voit aux époques infiniment malades, c'est que tout l'esprit s'obscurcit. Law, le Régent, quand on les suit de près, sans être tout à fait en démence, sont manifestement effarés, incertains; ils perdent le sens du réel et toute présence d'esprit. Ni l'un ni l'autre n'étaient nés pour endurer froidement la haine publique, et ils en étaient éperdus.
    L'anathème, la malédiction des grandes foules a un magnétisme terrible, pour frapper d'impuissance, d'aveuglement, d'hébétement. Ils essayent coup sur coup je ne sais combien de choses vaines, puériles, font édits sur édits, et plus sots les uns que les autres. Par exemple, Law imagine d'inviter les négociants à faire les dépôts à la Banque, à faire leurs comptes en Banque, à la manière de la Hollande; on recevra et l'on payera pour eux. La belle imitation! comme il est vraisemblable, dans un tel discrédit, que cette misérable caisse va attirer l'argent comme l'antique, la vénérable, la solide caisse d'Amsterdam!
    Autre essai ridicule. On s'avise un peu tard de séparer la Compagnie de la Banque; on se figure qu'après avoir cruellement ruiné la seconde, on pourra isoler, faire fleurir à part la première, commepure Compagnie de commerce. Qui ne voit que ces deux noyés, quoi qu'on fasse, fortement liés, ont même pierre au cou qui les emporte au fond de l'eau?
    On avait balayé la place Vendôme. Agiotage et brocantage, toutes les ordures à la fois furent transportées chez le prince de Carignan, dans les baraques que ce spéculateur avait faites et louait à cinq cents francs par mois dans son jardin de Soissons (Halle au blé). Mais là encore le brocantage, la friperie prima la Bourse. Il fallut fermer cet égout.
    Aucun payement depuis le 21 juillet. Souffrances intolérables. Les petits billets de dix francs n'étant

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