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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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mains dans leur sang (136). Deux jansénistes d'autre part parlaient de tuer l'archevêque ( Barbier ). Damiens voulait qu'on le jugeât. Avec l'ordre du Parlement, il se faisait fort, disait-il, d'aller arrêter le prélat. On aurait trouvé deux cents hommes bien aisément pour le mener à la Conciergerie (143, n os 287, 288).
    Quelque effort que l'on fît pour croire le roi trompé, on savait bien la haine qu'il avait pour la robe. La cour savait lui plaire quand, à Versailles, les croisées se peuplaient de visages moqueurs à l'arrivée du Parlement, au débarqué «des singes» en robes rouges. Damiens était avec son maître, M. Bèze, au jour où, le Parlement arrivant, le roi sortit, dit qu'il allaitdîner à la Muette, se fit attendre tout le jour. Il vit les magistrats seuls, affamés, errer au château et au parc. Un courtisan humain eut honte de cette indignité. Il fit excuse pour son compte, fit chercher, apporter quelques vivres trouvés par bonheur.
    On eût dit qu'un hasard terrible menait Damiens partout où l'on pouvait amasser la colère. Resté seul sur le pavé, quand son maître fut arrêté, il trouva place justement dans la maison, et la plus digne, et la plus maltraitée, celle de l'ex-gouverneur de l'Inde, la Bourdonnaie. Douloureuse Iliade! trop longue pour la conter ici. Qu'il suffise de dire que ce grand homme, puni de ses victoires, disgracié, prisonnier de guerre, dès qu'il apprit à Londres qu'on avait l'infamie de faire son procès à Paris, obtint de revenir, de venir voir si on lui couperait la tête. On fit pis. On le tint trois ans à la Bastille, et on le lâcha mort, mourant du moins, ruiné et de santé et de fortune. Il mourut de chagrin et du déshonneur de la France (10 nov. 1753).
    La mort de cette grande et illustre victime criait contre le ciel, et Damiens parut le sentir. Pendant la maladie, il se montra zélé. Il s'échappait à peine pour aller à deux pas s'informer des nouvelles «à la terrasse du Luxembourg.» Sa préoccupation des affaires politiques était visiblement extrême. Il ne resta pas chez la veuve, qui eût voulu le retenir (183-184). Que devint-il? Ce qu'on en sait alors, c'est qu'il écrivit à quelqu'un une lettre contre le despotisme ( Barb. , VI, 481).
    Pendant deux ans, je perds sa trace. Quelques motsseulement font croire qu'il s'affranchit, qu'il vécut des petits métiers de Paris. Quelqu'un dit l'avoir vu colporter des manchettes, vendre au Pont-Neuf des pierres à dégraisser. Il était là au grand passage, à portée de savoir les nouvelles, près du palais, au centre de l'agitation parisienne.
    L'idée de tous était qu'on devait avertir le roi. Mais comment? Le pauvre janséniste Carré de Montgeron s'était bien mal trouvé de l'avoir essayé. Pour un livre offert à genoux, mis dans un cachot pour toujours! On avait dit alors: «Si le roi n'est touché d'un livre, Dieu le touchera autrement.»
    Personne cependant n'eût voulu le toucher à mort, pour avoir à la place un autre pire, dangereux personnage, très-propre à faire un fou. On eût voulu non que le roi mourût, mais fût ou malade ou blessé, qu'il se souvînt de Dieu, de ses devoirs, qu'il se dît, comme à Metz: «J'ai péché, j'ai mal gouverné!» Mais qu'il le dît sérieusement. Qui le ferait rentrer en lui? Qui se constituerait le bras de Dieu pour le frapper? lui donnerait le coup dont le corps saignerait et dont guérirait l'âme? Damiens se dit en lui: «C'est moi.»
    Il se le dit trois fois; à l'enlèvement du Parlement, en mai 1753,—en mai 1756, au traité autrichien,—en décembre de la même année, lorsque, le Parlement décidément brisé, on crut la tyrannie établie pour toujours.
    Mais, on l'a vu, il y eut un entr'acte. Pendant vingt ans et plus (1734-1755), le roi amusa le public. Damiens se calma, ajourna. Cette détente eut l'effet ordinaire.Après la grande exaltation, la nature se relâche, souvent tombe assez bas. Jusque-là, il était (au témoignage de ses maîtres), un rare laquais, exempt de tous les vices de sa classe. Dès vingt ans, il s'était rangé et marié, épousant en secret une femme beaucoup plus âgée et il en avait une fille. Elle était cuisinière, et tous deux se faisaient passer pour non mariés, il la voyait fort peu; beaucoup plus une femme de chambre avec qui il avait servi. Il portait cependant parfois de l'argent à sa femme pour l'aider à nourrir l'enfant.
    Dans la misère croissante (sept. 1755), son commerce en

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