Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
ans, cherchant partout du papier pour écrire. Il naît bouffon et mime, cynique, et ne croyant à rien. «Il a toutes les qualités viles de sa souche maternelle,» aime les petites gens (quoique fort gentilhomme au fond), et mange avec ses paysans.
    Mais ce qui en fait pour son père un véritable objet d'horreur, c'est un terrible don de familiarité (faut-il dire, d'audace impudente?) qu'il apporte en naissant. Ce père, «oiseau hagard entre quatre tourelles,» est tout effarouché. Les barrières qu'il met entre, l'enfant terrible les saute sans s'en apercevoir.
    Quand son père n'a pas pu en trente-trois ans l'exterminer, il recule un moment, l'admire (mais sans le haïr moins). C'est en effet alors qu'il est prodigieux (bien plus qu'à la Constituante). Ses deux procès sont des miracles. Au premier, il s'agit d'aller, au sortir de prison, se remettre en prison à Pontarlier où il fut condamné à mort, et remettre sa tête sur le billot, sous le coup de ses ennemis. «Depuis feu César, dit son père, l'audace ne fut nullement comme chez lui.Il dit avoir son étoile. Il a moins de génie, mais bien autant d'esprit.»
    Et c'est pis à Aix, au procès de 83, où il redemande sa femme. Grande terreur, ligue furieuse de tous les galants de Provence, de ces nobles insolents, de ces riches impudents, qui veulent à tout prix la garder. Lui, il est fort et doux, très-charmant de bonté pour elle, tenant, ne montrant pas cette lettre d'aveu, qui aurait trop prouvé qu'elle eut les premiers torts. Les amants au contraire firent par leur avocat (Portalis) employer le poignard, les lettres folles, atroces, du père de Mirabeau, où il le qualifie d'empoisonneur et d'assassin. À Aix, ainsi qu'à Pontarlier, le père étrangle ainsi son fils.
    Tout le public était pour Mirabeau. Malgré la triple garde, portes, barrières, fenêtres, furent enfoncées. On monta sur les toits. Il dépassa l'attente, troubla, attendrit tout le monde.
    Quand, au nom de sa femme, on vient de l'égorger, lui la ménage encore. Contraint de montrer son aveu, il craint d'en user trop; il lui ouvre son cœur, l'y rappelle, lui montre un infini d'amour, d'oubli et de pardon. Il arracha des larmes à ses adversaires mêmes; le beau-père en versa; tout l'auditoire croyait qu'il allait se lever, et donner la main à son gendre. Portalis, foudroyé, retomba sur son banc évanoui. Il fallut l'emporter.
    Mirabeau avait dit: «L'issue de ce procès dira si le mariage existe encore.» L'arrêt définitif dit: «Non.» Le mariage eut tort. La femme est séparée ; adjugée aux amants.
    Mirabeau disait: «Que ferais-je? Il me faudrait un coup d'épée.» Un duel qu'après le procès il exigea de Galiffet, ne lui procura pas ce coup libérateur. C'est Mirabeau qui blessa l'autre.
    Il avait grandi en tout sens, et d'autant plus était perdu. Son nom eut un éclat immense, mais effrayant, sinistre. Ni son père, ni son oncle, ne voulurent plus le recevoir. Ses pourvois, ses appels furent supprimés, tout lui fut impossible, tout fermé, excepté la mort. Il y avait pensé plus d'une fois, l'avait essayé même (1777). Mais sa sœur de Provence l'appela, l'obligea de vivre.
    Cette sœur (la Cabris) était un Mirabeau, avec moins de douceur. Un prodige d'esprit et d'audace. C'est elle qui délivra sa mère en dénonçant son père. Enfermée par lui à son tour, elle brisa sa chaîne et plaida contre lui. Mariée à un fou, on l'eût crue un peu folle, propre au crime, propre à l'héroïsme. Mirabeau la peint franchement, très-charmante «et très-dépravée.» Le fils de Mirabeau avoue que madame Cabris eut sur lui un pouvoir terrible, et ne cache pas qu'en cette crise elle nous a sauvé Mirabeau.
    Il était né très-faible. S'il était resté là sous cette influence malsaine, il eût baissé toujours. Par bonheur, son pourvoi, sa lutte furieuse contre les nobles de Provence, le menaient à Paris. Il y était connu, dès longtemps annoncé par son beau livre des Prisons , par ses procès, surtout par une action fort généreuse qu'il fit dans ses embarras même, sa Défense de Genève, alors occupée, écrasée par une armée de Louis XVI. On allait bientôt reconnaître en lui lagrande voix de l'époque. Demain il serait grand, s'il n'était mort de faim. Son père obstinément lui refusait sa pension alimentaire. Comment subsistait-il sur ce dur pavé de Paris? On ne le sait. Et il n'était pas seul. Un singulier bagage qu'un homme si mobile n'aime

Weitere Kostenlose Bücher