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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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gouverné par les lois lui aurait décerné le bagne. Sur des emprunts déjà remplis, furtivement il négocia des rentes pour cent vingt-trois millions. Sans autorisation du roi, il lança dans l'agiotage, gaspilla et perdit pour douze millions de domaines, etc.
    Mais ses opérations légales ne sont guère moins coupables. Cinq cent millions d'emprunt en trois années de paix!
    Quoiqu'en dix ans le revenu public ait augmenté decent quarante millions, ce furieux prodigue accroît le déficit annuel de trente-cinq millions.
    Sous le plus mauvais roi, le plus mauvais ministre, Louis XV et Terray, l'impôt fut de trois cent millions.—Il est de cinq cent sous Calonne.
    Où passait cet argent? En partie à la rente, mais aussi aux splendeurs de la bureaucratie, aux folies administratives. Sous Terray, un bureau coûtait trois cent mille francs; il coûte trois millions sous Calonne. On dédouble la Poste pour en donner moitié à madame de Polignac, petit cadeau de deux millions.
    Pour pourvoir aux dépenses de cette immense monarchie, que reste-t-il? Bien peu:
    Cent quatre-vingt millions.
    2º Ce qui suit est le plus pénible. Qui pourra croire dans l'avenir que, sur ce reste misérable, ce pauvre denier de la France, le Roi en jetait les deux tiers en largesses insensées?
    On veut tout rejeter sur Calonne, excuser le roi. Mais bien longtemps avant Calonne, depuis mai 76, le roi est retombé dans la vieille voie de Louis XV, le gaspillage des acquits au comptant.
    Aux années les plus pauvres, le roi est le plus généreux.
    En 1783, l'année qui suit la guerre, l'année d'épuisement, le roi, en acquits au comptant, donne cent quarante-cinq millions (Bailly, Hist. des finances ).
    En 1785, l'année qui suit la sécheresse, la stérilité de 84, une année presque de famine, le Roi donne cent trente-six millions.
    On objecte bien vite qu'il y a là-dessus quelquespensions diplomatiques, et l'intérêt des anticipations. C'est la moindre partie. La masse est en faveurs, en grâces pour la Cour, dots, établissements de famille, générosités fortuites.
    À quoi allons-nous retomber? Sur les cinq cent millions de l'impôt annuel, en ôtant les frais et les dons, en dernière analyse, il en reste quarante !
    Rien de pareil sous Louis XV, qui cependant par an reçoit deux cent millions de moins. Rien de tel sous Louis XIV, aux pires temps de ses grandes guerres. Rien, rien de tel en aucun temps. Louis XVI, vraiment, à juger par les chiffres, est le pire des trente-deux Capets.
    On voudrait nous faire croire qu'il fut surpris de la révélation du Déficit, qu'il avait ignoré ou n'avait pas compris les actes déplorables qu'il signait tous les jours. C'est le mettre bien bas, dire qu'il n'avait gardé nul sens de ses devoirs. Il n'est pas si facile qu'on le croit de tout ignorer. Et, si l'on y parvient, c'est un crime déjà de se faire en s'étourdissant une fausse et coupable innocence.
    Pouvait-il ignorer la somme épouvantable dont Calonne au début paya, gorgea ses frères? Pouvait-il ignorer l'achat de Rambouillet (si inutile), pour étendre ses chasses (quatorze millions)? Et les quinze millions de Saint-Cloud? Ignorait-il la succion terrible d'un poulpe insatiable, la société de Trianon, les pensions étranges de Coigny, Dillon et Fersen? les présents monstrueux entassés sur les Polignacs? Ce qu'on en sait est effrayant.
    Le roi n'a jamais eu de favori ni d'ami personnel.Il écartait la cour «par ses coups de boutoir.» Qui donc le changea à ce point? On impute tout à Calonne. Le roi le connaissait et ne l'accepta qu'à regret. Il le trouva commode et agréable, ne l'estima jamais. La reine, il faut le dire, fut réellement la seule personne qui ait profondément agi sur lui. Par elle, la cour de Trianon, et même la grande cour de Versailles, non-seulement le domina, mais le changea, le transforma. On cherchera en vain; on ne pourra trouver aucune autre puissance qui ait pu opérer cette étrange métamorphose.
    On eût pu le prévoir, quand (en 74) elle lui fit chasser ceux qui l'éclairaient sur l'Autriche, et quand, deux ans plus tard, elle lui fit renvoyer Turgot. Les enfants l'attachèrent encore. Les fautes l'attachèrent, et le besoin de pardonner. Plus il souffrit par elle, plus il aima. Le procès du Collier, qui lui fut si cruel, l'attrista, l'éloigna un instant, mais pour le ramener plus faible que jamais. Il l'aima pour sa honte, il l'aima pour ses larmes. Plus tard, pour son audace et sa

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