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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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guère à traîner, le suivait, le suivit partout, à Paris, à Londres, à Berlin. «Et quoi? une maîtresse?...» Un berceau, un enfant.
    Grand mystère de sa vie qu'on n'a pu éclaircir. Cet enfant qui grandit, qui eut un vrai mérite, qui dans ses beaux Mémoires nous a révélé tant de choses, est resté lui-même une énigme. Mirabeau l'emportait partout avec inquiétude, «craignant qu'on ne le lui retirât.» Étrange position de mère et de nourrice pour l'homme d'aventure qui venait l'épée à la main se jeter au travers de toutes les querelles du temps.
    Rousseau et Mirabeau partirent du désespoir. Cela leur est commun. Comparons leur destin. Rousseau naît de ce jour (1756) où, délaissé, maudit de ses amis et de lui-même, il fut seul, sans famille, rejetant ses enfants, fort de sa liberté, de sa pauvreté solitaire, pour couver ses trois fils immortels, ses trois livres. Mirabeau n'est pas seul. Chez lui, la nature fut plus forte. Celui qu'on redoutait, l'emporté, le terrible, dans l'antre du lion cachait et nourrissait la molle créature qui fait mollir les lions, un enfant de deux ans (1784).
    L'enfant influe beaucoup plus qu'on ne croit. Il lie, retient le père. Mirabeau sera-t-il le vrai Mirabeau de Vincennes? J'en doute. Il gardera, sous son orage et son tonnerre, des faiblesses de femme pour le passé,de grandes timidités d'opinion,—hélas! aussi sans doute les transactions peu scrupuleuses et les fatalités d'argent d'un foyer trop nécessiteux.
    Est-ce que Mirabeau va bercer cet enfant? Il lui faut une mère. Il en trouve une à point. Une jeune orpheline hollandaise, mademoiselle Ahren (Nehra), était dans un couvent. Elle vit Mirabeau, subit son ascendant et le suivit. Voilà un ménage complet, un changement et de vie et d'âme. Notre homme, dégagé de sa terrible sœur, sous la jeune influence de la douce Hollandaise, ne rêve plus que travaux paisibles, les plus humbles, n'importe. Il veut pour les libraires faire des compilations. Refus. Tous les vents sont de guerre, et, pour gagner sa vie, il doit être une épée.
    Si jamais une épée fut bénie, c'est celle-ci. Le pénétrant Franklin, sans s'arrêter à sa réputation, lui fit un grand honneur, le plus grand qu'eut jamais un homme, qui eût glorifié le plus pur!
    L'Amérique en était à son second moment,—dangereux,—après la victoire. Elle tournait, virait, rétrogradait contre elle-même. Avait-elle expulsé tout à fait l'Angleterre? Non, elle la portait dans son sein. La vieillerie aristocratique ne demandait qu'à reparaître. Une chevalerie héréditaire , les Cincinnati se formaient. Funeste anomalie. Washington eut le tort de s'en laisser faire le prétexte, le centre. Quoi de plus dangereux? Si l'on disait un mot: Blasphème! «Vous parlez contre Washington!»
    Qui serait assez grave pour plaider dans une telle cause? Ce n'eût été trop de Rousseau. Il était grand, hardi, de se porter entre deux mondes, d'avertir lajeune Amérique, la priant, au nom de la France, de nous garder intact l'idéal de la liberté (1784).
    Mirabeau, en 85, n'a pas baissé encore. On le paye, mais pour faire une guerre honorable à la Bourse, aux agioteurs. Entre ses amis génevois, les uns, comme Clavières, furent purement et vaillamment Français. Tels, du Roverray, Dumont, furent peu à peu anglais. Tel enfin, un habile, peu scrupuleux banquier, Panchaud, travaillait pour Calonne. Panchaud qui était son meneur, l'auteur de ses premiers succès, de plus en plus, dans ses emprunts, avait la concurrence des Compagnies, des grands boursiers, les Cabarrus, les Beaumarchais. Qui oserait contre ce Figaro tirer l'épée? On ne trouva qu'un homme, le désespéré Mirabeau.
    Surprise singulière qui fit une ère nouvelle. Figaro voudrait rire, ne peut. Le diapason change. Sa voix ne s'entend plus. Contre la gravité de la basse profonde, il n'émet qu'un son faible, aigu, la voix des ombres, ce son grêle et sans souffle auquel on reconnaît les morts. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XX.
CALONNE. — COMÉDIE DES NOTABLES.
1787.
    «Calonne fut un danseur qu'on chargea, pour un temps, du rôle de roi de théâtre; quand il fut à bout d'haleine, quelqu'un lui suggéra le bon système ( d'assembler les Notables ), qu'il saisit avec la sagesse que nature a placée dans son occiput. Le tout n'est pas d'imprimer, enregistrer, etc.; il faut faire danser ces assemblées. En niais, il leur jette au nez un déficit , qu'il ne

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