Histoire De France 1758-1789, Volume 19
sait pas lui-même, comme s'il avait besoin d'amasser des pierres pour le lapider. Il n'a pas imaginé qu'on pût demander: «À qui la faute?» (Mirabeau père, Mém. , IV, I, 95.)
Ce parleur, ce bavard, à qui on croyait tant d'esprit, il l'appelle de son nom: un niais . Très-bien jugé. Exécution définitive.
Sur les Notables, il dit: «Vu de près, oh! que c'est bête!...» Ce danseur, se trouvant à bout assemble unetroupe de guillots (c'est-à-dire les premiers venus), qu'il appelle la nation, dit: «Nous avons mangé les pauvres, et nous en venons aux riches. Et, ces riches, c'est vous, sachez-le. Dites-nous donc amiablement comment devons-nous vous manger?»
Il est plaisant de faire, comme quelqu'un l'essaye aujourd'hui, de faire de ce Calonne un profond révolutionnaire, qui ne jeta l'argent, qui ne gorgea la cour, ne ruina la France «que pour les mener au bord d'un abîme si profond, si effrayant, que roi, clergé, noblesse, appelleraient de leurs cris les nouveautés libératrices.» Roman bizarre qu'on n'appuie de nulle preuve. Rien, absolument rien, dans les documents de l'époque.
Calonne fut créé, on l'a vu, par la coalition qui se fit un moment entre Trianon et les princes, entre les Polignacs, Monsieur, d'Artois, Condé.
On ne le comprend bien qu'en envisageant dans l'ensemble les dix années des Polignacs, les deux phases qu'offre leur long règne.
La fin de Maurepas doublant leur ascendant, ils crurent d'abord s'emparer de l'armée, firent ministre Ségur. Trois ans après, ils firent Calonne contrôleur général, et purent s'emparer de la caisse.
Par Ségur, ils obtiennent l'ordonnance de 81, qui monopolisa les hauts grades, les gros traitements pour la cour et les favoris. Le roi ferme aux non-nobles la carrière militaire, que Louis XV ouvrit en 1750. Pour le plus petit grade (sous-lieutenant), il faut prouver quatre degrés de noblesse paternelle. Et les nobles eux-mêmes ne sont jamais que capitaines. Pourêtre officier général, il faut être admis à monter dans les carrosses du roi.
Pour suivre ce système, il faut que le Trésor, aussi bien que l'armée, tombe aux mains de la cour. Voilà le vrai sens de Calonne.
Un petit magistrat, taré et endetté, que les Parlements détestaient, que Maurepas appelait un panier percé, était juste celui que pour toute raison on aurait dû exclure. Étranger aux finances, il avait sa science dans la tête d'un homme équivoque, certain Panchaud, un banquier génevois, qui, après avoir fait de mauvaises affaires, se mêla des affaires publiques. Tout le duel du temps est en réalité entre deux Génevois, deux banquiers, ce Panchaud et Necker.
La machine arrangée par Panchaud pour éblouir, servir à la parade, était l'amortissement, qui, grossi vingt-cinq ans par l'intérêt composé, devait libérer le trésor, amortir douze cents millions. Vingt-cinq ans! en ces temps où tout changeait sans cesse, où l'on mit aux Finances trois ministres en trois mois (en 1787)! Vingt-cinq ans! un malhonnête homme pouvait seul faire de telles promesses.
Calonne, pour attirer des dupes, assurait que l'emprunt s'éteignant chaque année par remboursements, et le capital s'augmentant, les prêteurs qui resteraient à la vingt-cinquième année, recevraient plus de cent pour cent!
Nul charlatan de place, nul arracheur de dents, n'eut jamais tant d'audace. Ses préambules austères ne parlent que d'économie, d'ordre sage, de juste balance.
Ses affiches effrontées réussirent à ce point qu'en trois ans, les badauds avec empressement lui apportèrent cinq cent millions.
À force de mentir, le menteur s'attrapa lui-même. Il crut que son Panchaud lui continuerait à jamais le miracle de pomper l'argent dans les poches. En 86, tout tarit. Voilà notre étourdi effaré, éperdu, qui, du péril, se sauve en un péril plus grand, croyant fort niaisement (dit Mirabeau le père) qu'il resterait le maître d'un si grand mouvement, mystifierait la France, et payerait en monnaie de singe.
Que fait-il, l'imprudent? Il va fournir des pièces pour instruire son procès, pour préparer de loin le procès qui finit au 21 janvier.
Qu'est-ce donc que la France va voir au fond du sac?
Disons-le franchement. Des chiffres? Non, des crimes.
Crimes de Calonne, crimes du roi; j'entends les fautes déplorables de la faiblesse étrange qui, dans ces trois années, donna, gaspilla, lâcha tout.
1º Mainte opération de Calonne était de telle nature que tout pays
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