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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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L'Amérique envoyant sa grande Déclaration des droits, il écrit sans détour: Tout gouvernement est déchu. Il va plus loin encore: George a moins fait que les Capets.
    Ces deux mots mis ensemble destituent Louis XVI.
    Cela est grand, hardi. Mais voyons le dessous. Regardons dedans, l'homme même.
    Et d'abord écartons les exagérations grotesques, je ne sais quelle tradition monstrueuse qu'on a faite à plaisir, d'après les effets de tribune, l'illusion optique, les éclairs, les tonnerres, dont s'entourait le grand acteur. C'est commun au théâtre. Mademoiselle Clairon, fort petite, à la scène devenait colossale. À la tribune, Mirabeau se gonflait, paraissait énorme.
    La fantasmagorie de ses cheveux ébouriffés faisait parfois un lion, parfois une tête de Méduse. Un jeune homme raconte qu'il dînait près de lui. Mirabeau lui parla, et lui mit la main sur l'épaule. «Je lasentis immense!» Il l'avait très-petite, la fine main de l'artiste et du gentilhomme.
    Un document très-sûr, irrécusable, c'est le plâtre pris sur le mort. Je l'ai vu plusieurs fois, regardé de très-près, au regrettable Musée de la Révolution qu'avait fait M. de Saint-Albin. Au bout de quinze années, il me reste présent; il est fixé dans mon esprit.
    Rien d'énorme, rien de monstrueux. Ce qui marque et qui saute aux yeux, c'est l'audace, la familiarité hardie, et la légèreté libertine. Il a l'air bon vivant, bon diable . Beaucoup certes d'esprit et de facilité. Tout cela en dehors, donc, bien loin du génie, des dons de profondeur qui supposent l'incubation.
    Une bouche menteuse, non par hypocrisie, mais pour l'effet et l'exagération, voulant séduire, étonner, effrayer. Un fanfaron de crimes, ravi qu'on le suppose un profond scélérat (V. Corr. de Lamark). Effréné de paroles, heureux qu'on le croie un satyre. Il n'en a pas le masque. L'aiguillon bestial visiblement lui manque. Son visage gravé semble impur, il est vrai, mais impur de pensée, de fantaisie lubrique, d'un priapisme cérébral. Qu'une sœur, une mère, l'aient corrompu enfant, on n'a pour le prouver que les allégations du père. Ce qui est plus certain, c'est que ce libertin (tout au rebours des jeunes gens d'alors) garda toujours l'horreur des filles publiques, fut toujours amoureux dans ses libertinages, et même assez fidèle. De vingt ans à quarante, il a eu trois amours (sa femme, Sophie, et Nehra). S'il a tombé très-bas (en amour, comme en politique), c'est verssa triste fin, où il répond trop bien au sort cruel que lui jeta son père, disant «que pour la terre il prendrait le bourbier.»
    La haine est clairvoyante aussi bien que l'amour. Elle donne une seconde vue. Montaigne, Saint-Simon, les grands observateurs n'ont rien de supérieur, ni peut-être d'égal aux traits forts et profonds dont le père a marqué son fils.
    Il en a un terrible, et bien paradoxal: «Nul en idées. Tout est d'emprunt et de réminiscence. C'est une ombre. Et il n'a aucune passion ( Mém. , III, 176). Il est vorace et inégal, mais ni gourmand, ni aimant le vin. Pour les femmes, par ma foi, ce fut pure exubérance et jactance. Ni tendre, ni galant, ni efféminé, ni voluptueux.—Cette tête sera toujours enfant. C'est le meilleur diable du monde, sauf mauvaise compagnie.
    «Pour le talent sans pair. Quand le diable nous avertirait cent fois par heure, il est impossible de ne pas s'y prendre; d'autant qu'étant capable et du pis et du mieux, cela lui est égal; le vrai, le faux lui étant absolument un , le droit, le tordu tout de même, je crois (Dieu me pardonne) qu'il en pense alors la moitié.» ( Mém. , IV, 318.)
    «Dès douze ans, un matamore ébouriffé à avaler le monde.»
    Trente-trois ans: «Un tonneau boursouflé, gravé et vieux, qui dit: «Papa.» (171.) Laideur amère, sourcil atroce, un épouvantail de coton. Tout le farouche dont il a su environner sa personne, sa réputation, tout cela n'est que vapeur. Au fond, c'est peut-êtrel'homme du royaume le plus incapable d'une méchanceté réfléchie.» (174.)
    Il n'eut rien de son père, le dur et bilieux Provençal. Il a la fougue, mais sanguine (tempérée par l'hémorragie). Né Limousin et de mère limousine, il a de la pléthore du Nord, une ampleur rare dans le Midi. De son père, il n'a pas les dards, l'exquis, l'atroce, mais une veine énorme, d'incroyables torrents.
    Il naît déplaisant et baroque, déjà dentu, le frein à la langue et le pied tordu. Il naît scribe, à quatre

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