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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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et fort trivialement, il bredouilla: «Ça m'est égal... Vous êtes bien le maître.»
    Et puis, se ravisant et se souvenant qu'il est roi, il dit avec colère: «Si! c'est légal, parce que je le veux!»
    Il fit signe au Garde des Sceaux, lui parla d'enlever Orléans de son siége, de l'arracher du Parlement. Lamoignon éluda, dit qu'on n'avait pas sous la main les moyens d'une telle violence. Le roi ne se connaissait plus. Surpris quand il croyait surprendre, arrêté au moment honteux, il avait eu besoin pour se remettre(contre son reproche intérieur, sa trouble conscience) de se reprendre à la formule grossière de la foi monarchique qui fait le fond du cœur des rois: «Si! c'est la loi! car je le veux.»
    Adieu l'argent, les quatre cents millions! La consolation de la Cour, ce fut de jeter deux parlementaires aux forteresses, d'exiler Orléans. Éloigné à vingt lieues de son Palais-Royal, de ses orgies du soir, il se désespéra tout d'abord et demanda grâce. La reine se montra très-haineuse. Elle ne céda pas qu'il n'eût l'amertume, la honte de sa lâcheté. Elle voulut qu'il lui écrivît à elle-même. Il le fit, et resta avili à ses propres yeux, gardant de noires pensées. Elle avait réussi à donner à ses ennemis, sinon un chef, au moins un centre, à donner pour caissier à l'intrigue, à l'émeute, un prince de vingt millions de rente. S'il n'agit pas contre elle encore directement, dès lors il la regarde, la suit dans sa course à l'abîme.
    Les amis de la reine l'y poussaient de leur mieux. Ayant décidément manqué l'escamotage de leur demi-milliard, arrêtés dans l'emprunt, arrêtés dans l'impôt, ils prenaient leur parti vaillamment, militairement, et conseillaient la banqueroute.
    Vraie tradition de gentilhomme. L'illustre Saint-Simon, le grand seigneur austère, la glorifie et la prêche au Régent, en la sanctifiant «et la canonisant avec les États généraux.» Mais pourquoi les États? La banqueroute, tellement usitée au grand siècle, semble chose royale, une institution monarchique.
    Besenval, toujours jeune (près de 70 ans), aimable étourdi, vrai hussard, tête chaude de Pologne et Savoie,qui naquit par hasard en Suisse, n'a pas tenu sa langue. Il nous a révélé ce qu'on eût deviné fort bien sans lui, l'opinion de Trianon, l'estime et l'engouement qu'on avait pour la banqueroute. «Vain propos?» Point du tout. La fine oreille, Mirabeau, habile à écouter aux portes, et qui a des amis, en cour, écrit au moment même (20 nov.) une lettre très-vive qui affirme trois fois la chose.
    «Dépend-il d'un gouvernement d'enchérir sur la guerre, la peste et la famine? Le forfait qu'on prépare, l'horrible proposition qu'on apporte au Conseil, c'est la mort de deux cent mille hommes! Mais, par-dessus ceux-là on met à mort encore tout un monde de leurs créanciers qu'ils ne pourront payer et qui seront sans pain.»
    «Faire cela, n'est-ce pas renoncer à tout droit que l'on a sur un peuple?»
    Puis, à ce roi déchu, il a l'air d'annoncer un Clément ou un Ravaillac:
    Conspués de l'Europe, en horreur à nous-mêmes, dangereux à nos chefs, tels nous serons, contre l'État, le roi... Craignez le fanatisme!... la fureur de la faim vaut bien la fureur de la foi... Qui osera répondre de la vie du roi, de tout ce qui est près du trône?
    Le parti militaire pouvait dire à cela que «le pâle rentier» (Boileau le nomme ainsi), l'homme ruiné, affamé, épuisé, a bien peu d'énergie. Ces misérables encore dans la Fronde avaient pris les armes. Mais depuis ils n'ont pas la force de crier. Les noyés du Système moururent fort décemment. Aux plus cruelles opérations, Fleury n'entendit rien, Choiseul rien, Terrayrien.—Aujourd'hui c'est un peuple, il est vrai, qui peut faire du bruit... Eh! tant mieux! Montons à cheval! et sus à la canaille!... Paris a besoin de leçon.
    Petit mal! et grand bien! Quel bienfait que la banqueroute! l'État, libre, léger, dès lors, agira dans sa force, Paris perdra, c'est vrai. La France y gagnera. L'argent et la population y reflueront; ce gouffre de Paris n'absorbera plus le royaume, etc. C'est ce que Bezenval dit, non pas de sa tête,—d'après «un publiciste, peu scrupuleux, assez profond.»
    Ce publiciste me semble être Linguet. Son journal, imprimé à Londres, est l'apôtre de la banqueroute ( Annales politiques et littéraires , XV). Combien le payait-on? L'arrêt qui le condamne en 1788, fait entendre que «l'homme vénal»

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