Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
s'étaient groupés autour d'Artois. Elle voyait chez lui ses ennemis. Cependant elle hésitait fort, semblait se demander parfois s'il ne vaudrait pas mieux essayer de la violence. Pensant tout haut, dans l'intime intérieur, devant ses femmes et familiers, elle dit un jour à Augeard, son secrétaire, comme en l'interrogeant: «Tout cela serait bientôt fini... Mais il faudrait verser du sang?...»
    Augeard, secrétaire-chancelier, en même temps fermier général, gros financier colère, un Ajax, un Achille, répondit sèchement: «Oui, Madame.»
    Quelle était la force réelle dont disposait la Cour? Considérable et imposante. Si Brienne et la reine en avaient fait usage, ils eussent pu verser bien du sang.
    La force la plus sûre était celle des vingt régiments étrangers. Arme fort dangereuse. Ces mercenaires, surtout les Suisses, se piquaient d'être au roi, de ne pas connaître la France. Mangeant le pain du roi, ne connaissant que lui, à Paris comme à Naples, ils eussent loyalement tué. Les régiments dits Allemands, fort mêlés, n'étaient d'aucun peuple. Ces barbares, barbouilleurs, massacrant les deux langues, fort repus, souvent ivres, meute aveugle et grossière, auraient certainement sabré sans regarder, écrasé et femmes et enfants.
    La belle cavalerie de la maison du roi, ce corps hautain, superbe, tant payé et privilégié, n'eût été guère moins sûre. Mais les Gardes françaises pouvaient vaciller davantage, ayant des rapports dans Paris où plusieurs étaient mariés.
    L'armée, depuis 81, s'était fort transformée. Nul officier que noble. De là haine et envie du sous-officier roturier à qui on fermait l'avenir. Au moins on avait supposé que les officiers seraient sûrs... Eh bien, le contraire arriva.
    Les Polignac qui firent cette ordonnance (par Ségur, nommé tout exprès) n'y favorisèrent la noblesse que dans une petite mesure. Les nobles de province qui entraient au service, n'avaient rien à attendre que de devenir capitaines. Tout grade supérieur fut pour l'autre noblesse, celle de cour, avec tous les gros traitements. Les simples officiers étaient très-peu payés, s'endettaient. Au service, leur perspective était de n'arriver à rien et de mourir de faim.
    Les colonels et autres supérieurs traitaient fort lestement ce peuple de petits officiers (souvent plus nobles qu'eux). Ils commandaient, ils punissaient avec l'insolence outrageante de hauts seigneurs, posés en cour, pour qui la noble populace de ces provinciaux pesait peu. Ceux-ci, pour de légers motifs, étaient brisés, chassés piteusement. «Un colonel qui a besoin d'argent, disait-on, sait s'en faire. Il casse un officier, vend son grade à un autre.» (V. Servan et Chassin, l'Armée .)
    Voilà comment la cour se trouva avoir mis contre elle non-seulement le sous-officier non noble qui ne pouvait monter, mais l'officier lui-même, le noble, écrasé par le favori, le colonel de l'Œil-de-Bœuf.
    Cette première révolution de 1788, ce fut celle de la noblesse.
    Chose plus forte encore: la cour n'avait pas la courmême. Les grands noms, les hautes fortunes, les pairs de France, la vraie cour du royaume allait agir à part contre la cour de Trianon. Celle-ci put s'apercevoir de sa grande solitude. Les pairs que Louis XV avait pu écarter et séparer du Parlement, y siégent aujourd'hui malgré le roi.
    Tout va vers une crise.
    D'une part le Parlement (par la voix d'Adrien Duport) veut désarmer le Roi, s'attaque aux Lettres de cachet.—Repoussé durement, il remonte plus haut; accuse (sans la nommer) la reine.
    Donc, mort au Parlement. Versailles hasarde un coup. Des ouvriers, gardés à vue, impriment au château les dépêches qui vont porter partout la foudre. Profond secret qui n'en transpire pas moins. Une boulette de glaise, contenant une épreuve, part d'une des fenêtres, est portée à d'Éprémesnil.
    Que trouva-t-on dans cette boule? Le plus monstrueux avorton qui peut-être fût jamais sorti de la cervelle humaine.—Un fou n'eût pas suffi. Il fallut trois fous. On y distingue à merveille l'influence, la main, le style de plusieurs auteurs différents.
    Brienne était dans son lit, toussant fort et n'en pouvant plus, avec ses trois cautères. Je ne puis lui imputer la partie vaillante et brillante, jeune évidemment, du projet.
    Le grand article capital était, on peut dire, signé d'une écriture princière. Le Roi pour conseil suprême d'enregistrement prenait... qui? Ses propres

Weitere Kostenlose Bücher