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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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obtint du roi un ordre «de dissiper par la force les attroupements.» C'était se hâter fort. Ces effervescences durent peu. Les réprimer d'un coup, au moment de l'explosion, c'est ce qu'on ne peut guère qu'au prix de bien du sang.
    Ici, on le pouvait, ayant en main, non pas, comme à Rennes, à Grenoble, des troupes ordinaires et peu sûres, mais des corps privilégiés, à haute paye, aimant peu le bourgeois. La Garde de Paris, en butte aux railleries qui toujours poursuivaient le Guet, était fort disposée à faire voir qu'elle est « vrai soldat .» Son chef, le chevalier Dubois, fut ravi de sabrer, fit une charge à fond sur le Pont-Neuf plein de monde, galopant sur les trottoirs mêmes. Les spectateurs paisibles, des gens de toute classe (Florian, le marquis de Nesle, etc.) furent ou sabrés ou écrasés.
    Cela irrita fort. Le lendemain, on revint avec de grosses cannes, et, devant Henri IV, on brûla un archevêquede carton. Plusieurs, irrités de la veille, disaient: «Brûlons les corps de garde». Dubois, dit-on, habilement avait embusqué des fusils. On tire. Et voilà vingt-cinq morts.
    Mais il y eut, pour Lamoignon, bien plus de sang encore, deux vrais massacres aux deux bouts de Paris. Une foule, en bonne partie de femmes, s'était portée aux trois hôtels Dubois, Lamoignon et Brienne, et devant criait, aboyait. Du dernier (Hôtel de la Guerre), on avertit Sombreuil, le gouverneur des Invalides, qui les envoie, et les fusils chargés. D'autre part, les Gardes françaises, sous M. de Biron, entrent par l'autre bout de la rue. Opération habile et d'un succès terrible, qu'on veut attribuer au hasard . La foule, serrée des deux côtés, fait une masse compacte, où tout coup porte. Prise entre les deux feux, elle est poussée sur l'un, sur l'autre; des deux côtés, la mort!
    C'est encore le hasard qui, par la Garde de Paris, fit le carnage aux boulevards. De la porte du Temple et de la porte Saint-Martin, on refoula les masses au traquenard de la rue Meslay. Des deux bouts on chargea, on sabra pêle-mêle le peuple, les promeneurs, l'habitant qui rentrait chez lui. (Cf. Droz, II, 91; Soulavie, VI, 213-218.)
    Le Parlement, rouvert le 24 septembre, manda et gronda fort Dubois, la Garde de Paris. Qu'eût-il dit à Biron, à la Maison du roi, trop excusés, garantis par leurs ordres? La Cour eut cette tache de sang. On a dit, répété sottement que ce gouvernement ne périt que de sa débonnaireté. Je ne vois point cela. Il périt de son abandon. S'il avait trouvé dans l'armée le zèlequ'il trouva dans ces corps, il eut certes lutté. La petite cour militaire, qui menait alors Louis XVI, eût pu avec sa signature livrer de vraies batailles, disputer la fortune. Mais l'armée lui tourna le dos.
    Que ces choses cruelles se soient passées sous Necker, le plus humain des hommes, cela nous éclaire fort sur un point très-obscur de la situation où l'histoire ne dit rien. Était-il? n'était-il pas maître?
    Il avait l'apparence et la décoration d'un vrai premier ministre. Protestant, il entre au Conseil! insigne grâce. Il a les embarras immenses des finances et des subsistances. Il a la charge grave et infiniment compliquée de préparer les États généraux. Il devrait être fort, tenant cette misérable Cour par ses besoins et par sa peur, ayant trois prises, le pain, l'argent, l'opinion. Il pouvait fort bien voir, par l'effort que le roi se fit de quitter Lamoignon, combien il était nécessaire. Il n'en profita pas, ne prit pas le haut ascendant. De là tant de fausses mesures, en désaccord avec ses idées et sa probité, et pourtant signées de son nom.
    Ce pauvre homme de bien, né à Genève, n'était point Génevois. Il n'en eut pas les vertueuses résistances. Allemand d'origine, il avait dans le sang le mou et le bonasse des sujets de ces petits princes, chapeau bas devant les valets de l'illustrissime Cour. Fils d'un précepteur ou régent et de bonne heure commis, il tenait à la fois et du maître d'école et du plumitif subalterne. On ne réussit guère, aux bureaux comme ailleurs, que par l'attention soutenue d'être agréable et de plaire à ses maîtres. Tel il resta enmontant au plus haut, gardant toujours l'humble respect de tous faquins titrés, heureux de leurs sourires. De là un être ridicule, double, bâtard et faux, d'un côté flatteur du public, amant de la gloriole, d'autre part tenant fort à gagner les privilégiés, occupé de les apaiser, de se faire pardonner le

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