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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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bien.
    On eût pu deviner tout cela dès 84 par son livre, Administration . Il y est pitoyable, visiblement il pleure de n'être plus ministre. On sent parfaitement la prise aisée qu'on a sur un homme si faible. Dans son pathos sentimental de bon charlatan allemand, il fait fort bien entendre qu'on aurait grand tort de le craindre. Il attend tout de la vertu (grande tirade sur la vertu), celle des princes et des privilégiés. Ils sont si généreux que tout s'arrangera. Qu'ils se confient à Necker. Il est discret, prudent. Il n'en fera pas trop. Et déjà il le prouve, en embrouillant, cachant ce que l'on veut cacher. De quelle main délicate il touche le clergé, par exemple! déguisant sa richesse, cotant son revenu au chiffre ridicule d'à peu près cent millions.
    On put voir tout d'abord que Necker était traîné, que, dominé des hautes influences, attendri et trompé par l'équivoque bonhomie de Louis XVI, il prêterait l'appui de son nom aux actes des privilégiés, serait tout à la fois leur dupe et leur compère. L'assemblée dauphinoise, sur qui la France avait les yeux, du 27 juillet s'était ajournée à octobre. Réunie à Romans, elle fit un remarquable plan d'États provinciaux. Dans ce plan, l'électeur devait être le propriétaire payant d'impôt six francs par an (dix sous par mois, ou à peu près un liard par jour ). L'électeur des villes un peuplus. Mais on excluait tout à fait le fermier, comme trop dépendant. En effet, la propriété appartenant surtout au clergé et aux nobles, admettre leurs fermiers innombrables, c'était mettre l'élection dans la main des privilégiés. Les campagnes pouvaient devenir, ce qu'elles ont été de nos jours, le brutal instrument de la réaction.
    Plusieurs fermiers siégeaient à Romans, et eux-mêmes ils demandèrent «que le fermier ne fût pas électeur», n'eût pas la dure alternative de voter contre sa conscience, ou contre l'existence, le pain de sa famille. À cela que va dire le roi? que va dire Necker? Ils corrigent le plan, veulent que le fermier vote . Quelle dureté serait-ce d'exclure l'innocent laboureur, l'homme des champs, etc. Ils tiennent à donner au clergé, aux nobles, une armée d'électeurs.
    C'est dans le même esprit que la Cour, si peu satisfaite des Notables en 87, les rappelle en 88, étant sûre de n'avoir par eux que des avis pour enrayer ou reculer. Si le ministre était ferme et loyal, il devait rejeter, refuser à tout prix une assemblée certainement hostile à la convocation des États généraux.
    Ces Notables montrèrent une remarquable clairvoyance dans leur haine à la liberté.
    1º Ils repoussèrent presque unanimement la double représentation du Tiers, sentirent parfaitement que, si la Nation était vraiment représentée, le Privilége était perdu.
    2º Ils parurent deviner et prévoir que la fausse démocratie serait le sûr moyen d'étouffer, d'écraser la vraie, que le suffrage universel serait l'arme mortellede la contre-révolution. Ils admirent au suffrage même les domestiques , laquais des villes, et valets de charrue, ces rustres qui bientôt vont donner les Chouans. De peur qu'ils ne se trompent et n'oublient le mot d'ordre, ils voteront à haute voix . Avec ces valets, les Notables appelaient au scrutin un monde de fainéants à vendre, de nobles affamés, parasites, et de petits collets qui couraient les dîners.
    À l'appui de ce bel avis (12 décembre), parut une incroyable lettre des princes au roi, superbe d'insolence. Ils se croient en 1614, s'indignent, comme les nobles firent alors, de ce qu'on croit le bourgeois du même sang, de ce qu'on humilie cette bonne noblesse, qui a fait roi Hugues Capet. Ils finissent par menacer, par dire que si les premiers ordres devaient descendre ainsi, leurs protestations dispenseraient de payer l'impôt.
    Au même temps un coup répondit, un grand coup, le livre de Sieyès, qui, d'un énorme poids, trancha les questions, qui arma la Révolution de sa formule victorieuse, de sa hache et de son épée.
    «Qu'est-ce que le Tiers? le Tout.—Le Tiers est la Nation.»
    Il écarte du pied les théories des sots, des ignorants qui s'imaginent (comme Mounier) qu'on pourrait faire ici une Angleterre.
    Vous demandez qui aura droit de convoquer la Nation? Demandez donc plutôt qui n'en a pas le droit, dans le danger de la Patrie.
    Vous demandez quelle place les corps privilégiés, deux cent mille prêtres ou nobles, auront dansl'ordre social? c'est demander

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