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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Louis XV était Bourbon, Charles III était Bourbon. Quoi de plus beau, quoi de plus grand (et digne de Louis XIV) que de lier en un faisceau tous les membres de la famille, de rattacher France, Espagne, Parme, Naples, la Sicile! Louis XV, qui ne sentait rien, sentit cela, le trouva grand. On le trouva tel en Europe.
    Pour bien juger ce projet, il faut savoir ce que l'Anglais en pensa... L'Anglais en frémit de joie.
    Il comprit parfaitement que Choiseul doublait sa proie. Les âpres chasseur de mer virent dès ce jour les galions entrer chargés d'or dans Portsmouth. Ils virent les ports et les villes de l'Amérique du Sud payer d'énormes rançons. Ils virent descendre dans la mer la grosse flotte espagnole, cette vaine cérémonie de lourds navires impotents, canonnés, percés, coulés, avant de faire un mouvement.
    Pitt, sous son air rechigné, fut si gai qu'il se lâcha par un mot de bassesse atroce: «On n'en mettra pas plus grand pot-au-feu; mais la soupe sera bien meilleure.»
    Ce n'était pas une force qui s'ajoutait à la France, c'était un gros embarras, une caraque de commerce, traînant derrière un vaisseau, et qui ne faisait que l'alourdir. Choiseul, depuis ses revers maritimes, que pouvait-il pour défendre cette Espagne? Rien. Le pacte de famille est déclaré au mois d'août 1761. Et c'est au mois de décembre que Choiseul avise à rendrel'essor à notre marine, qu'il suscite (par l'exemple du premier banquier de la cour) un mouvement national de dons, de souscriptions. La Ferme donna un vaisseau, Paris souscrit un vaisseau, et bientôt chaque province. Enthousiasme général. Tous ces vaisseaux sur le papier, et tout au plus en argent, combien leur faut-il de temps pour exister réellement, pour cingler, combattre en mer?
    M. Pitt se faisait fort, avant la guerre déclarée, de faire sa razzia immense sur les colonies espagnoles, de donner à ses requins la pâtée la plus épaisse qu'ils aient eue jamais sous la dent. Lord Bute (le favori du Roi) s'y opposa en Conseil, se fit vertueux, délicat, et Pitt fièrement se retira. C'était la guerre elle-même qui donnait sa démission. Et lord Bute, c'était la paix. Il fallait la prendre aux cheveux (moment unique, irréparable), savoir perdre, sacrifier, pour ne pas perdre davantage.
    Lord Bute avertit Choiseul secrètement. Et celui-ci fit le sourd!
    Deux choses l'enfonçaient dans la guerre: 1º son crime d'Autriche, son traité. Il eût fallu rendre ce qu'on avait pris en Allemagne pour l'impératrice. Et la cabale autrichienne eût jeté Choiseul à bas. 2º En gagnant l'Espagne et la poussant en avant, ce petit Machiavel comptait bien qu'elle aurait en mer des revers épouvantables, mais croyait aussi que par terre elle prendrait le Portugal, lui procurerait un gage, une conquête à échanger pour le jour terrible des comptes, de la grande liquidation. Ainsi cette aveugle Espagne allait, au signe de Choiseul, en n'y gagnantque des coups, tirer du feu les marrons que l'Autriche finalement devait manger seule.
    Le plan était malhonnête, chimérique et étourdi. Il n'avait qu'un côté certain: il faisait abîmer l'Espagne dans ses flottes et ses colonies. Mais le côté incertain, c'était que cette vieille Espagne pût de ses bras décharnés étreindre le Portugal, défendu par l'Angleterre, défendu par un homme fort, par Pombal, son Richelieu.
    Louis XV donna là-dedans, tout comme il avait donné dans le traité de Babiole. Choiseul s'affermit, monta, fut un vrai premier ministre, plus que Colbert, plus que Louvois. On revit un vrai Mazarin. Ministre des Affaires étrangères, il prit la Guerre et la Marine, ou par lui ou par ses parents. Il emplit tout de Choiseuls, frères, cousins, neveux, grands, petits, et des Stainville, et des Praslin. Il se fit colonel des Suisses (énorme place d'argent). Par Bertin, son petit valet, il avait aussi les finances. « Choiseul veut dire mangerie ,» disait plus tard Louis XVI.
    Avec ces dépenses et sa guerre, Choiseul était toujours à la merci des Parlements, comme un mendiant à leur porte. Sa mécanique était fort simple. À ces dogues toujours grondants, pour tirer d'eux ce qu'il voulait, il lui suffisait de montrer leur gibier, leur proie, les Jésuites. Le mot plaisant du sauvage dans Candide : «Mangeons du Jésuite!» c'était toute la harangue de Choiseul aux Parlements.
    Cela allait à merveille avec le Pacte de famille. L'homme du monde qui haïssait le plus les Jésuites était le

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