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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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était mort au moment où la naissance du Dauphin (1781), doublant l'ascendant de la Reine, lui rendait enfin quelque chance. La Reine avait manqué sa vie.
    Car pourquoi naquit-elle? pourquoi fut-elle élevée, préparée, mariée, dans les plans de Marie-Thérèse, sinon pour faire ici un ministre autrichien, pour refaire de la France un fief de l'Empereur? Vergennes y résistait, et l'honnêteté de Louis XVI.
    Marie-Thérèse mourut. Et la Reine, d'autant plus flottante, rejetée d'un écueil sur l'autre, au gré des Polignac, mit leur homme au pouvoir, leur Calonne, qui la perdit, et la royauté elle-même.
    Tragique destinée! On la comprendrait peu si on nela suivait dans son développement, dans la série des fautes et des entraînements, des fatalités même, qui l'ont poussée, précipitée.
    L'enivrement s'explique, au début de ce règne. Tous l'éprouvaient. Quelle joie de voir enfin s'asseoir sur le trône purifié de Louis XV l'honnête, l'excellent jeune Roi, cette Reine charmante! Qui n'eût tout espéré? Un grand mouvement d'art décorait ce moment, illuminait la scène. Et la Reine en était le centre.—Tout gravitait vers elle.—Glück arrivait pour elle de Vienne, lui apportait Iphigénie . Il écrivait Armide (1775), pour qui, si ce n'était pour l'Armide couronnée de Versailles? Peu artiste elle-même, elle sentait du moins l'art par la passion. Piccini, appelé à Versailles par la Du Barry, n'en fut pas moins accueilli d'elle, caressé, consolé des fureurs de partis. Elle le fit son maître de chant. Elle est touchante et belle au souper solennel où elle réunit les rivaux, Piccini, Glück, veut finir cette guerre de l'Allemagne et de l'Italie.
    Combat d'art supérieur. Mais la France pensait à Grétry. Grétry et Monsigny, le Déserteur , la Belle Arsène , surtout Zémire et Azor (traduit en toute langue), c'étaient les grands succès populaires et nationaux, avec le Barbier de Séville , la Rosine de Beaumarchais. Art tout français, d'étoffe un peu légère, mais tout à fait du temps, d'accord avec son peintre et son poète, Fragonard, Parny (1775). La poésie créole de celui-ci régnait. Moins le cœur, moins l'amour, que l'élan du plaisir. Le tout à la surface, en mobile étincelle. La vraie furie des sens n'éclata qu'à Vincennes, aux déliresde deux prisonniers (Mirabeau..., faut-il nommer l'autre?)
    Toute image d'amour, Rosine, Arsène, Armide, faisaient regarder vers la Reine, en vérité éblouissante. Une seule femme semblait exister. Les fats tournaient autour. Elle s'amusait d'eux, de son mari aussi avec grande imprudence. Elle avait le tort grave d'accepter trop le rôle d'épouse négligée, qui les enhardissait. Très-justement son frère lui reproche sa lettre étourdie où, se moquant du roi Vulcain, elle dit qu'elle n'a garde d'aller faire Vénus à la forge, etc. Quelle prise funeste pour la cabale haineuse qui lui supposait vingt amants!
    Certes on exagérait. À regarder de près, on est plutôt porté à croire qu'elle n'aima vraiment aucun homme. Elle fut éblouie un moment de Lauzun. Elle subit longtemps un grondeur ennuyeux, Coigny, qui se faisait son pédagogue. Elle fut sans nul doute reconnaissante pour Fersen, qui prodigua sa vie aux jours les plus terribles. En tout cela, je ne vois rien qui semble vraiment de l'amour. Elle n'eut de passion que pour ses deux amies, mesdames de Lamballe et de Polignac.
    Lauzun, tout fat qu'il est, dit qu'il plut, mais que ce fut tout . Ce qu'elle aimait en lui, c'était le bruit, la mode. Le fou charmant arrivait de Pologne. Ce pays de roman lui avait enlevé le peu qu'il avait de cervelle. Il est si fou, qu'il croit convertir Catherine à la cause polonaise. Puis il lui écrit de Versailles que ce serait sa gloire «de faire qu'après sa mort une femme restât reine du monde . Nulle n'en serait plus digne queMarie-Antoinette.» Mais celle-ci n'en a pas envie. Elle dit n'en avoir ni le cœur, ni la force. Ce qui lui faudrait, c'est l'amour. Dans cette atmosphère érotique, où tous chantaient Éléonore, où elle-même honorait Parny, elle eût voulu, ce semble, être amoureuse. Mais ne l'est pas qui veut dans les temps énervés. On sent cette faiblesse jusque dans Parny même, dans ses chants sans haleine, élan d'un pulmonique qui se vante d'infinis désirs.
    Elle quitta Lauzun fort aisément, et cela au moment où un amour réel se serait attaché, lorsqu'étant ruiné, poursuivi pour ses dettes, il ne fut

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