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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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d'ailleurs, qu'en jouant cette rapsodie, on en dégoûtera le public (17 avril 1784).
    Le torrent attendait, les portes du théâtre frémissaient... On se précipite... Ce fut presque aussi gai qu'au mariage de Louis XVI. Plusieurs furent étouffés. Une si longue attente rendait terriblement avide; on applaudit tout au hasard. Cent représentations ne peuvent rassasier le public.
    Quelle joie! Tout est égratigné, jusqu'aux protecteurs de la pièce, jusqu'au ministère Polignac. Leur Calonne a son mot: «Il fallait un calculateur; ce fut un danseur qui l'obtint.»
    «Sot ou méchant... C'est le substantif qui gouverne .»—«Son mari la néglige.»—«Fils de butor,» etc.—C'est la Reine, le Roi, le Dauphin. Tout était saisi âprement, et telle allusion (imprévue de l'auteur) était avec fureur trouvée, claquée, bissée.
    La pièce fut servie à merveille par les acteurs. L'attrait mélancolique de la comtesse (ou de la Reine?), de l'épouse négligée , fut très-touchant dans la Sainval,belle pleureuse de tragédie, qui cette fois joua le comique. Mademoiselle Contat, si fine de grâce et d'esprit, traitée jusqu'à ce jour fort durement et souvent sifflée, joua avec un charme frémissant la rieuse, l'espiègle Suzanne. Une enfant de cet âge à qui tout est permis, mademoiselle Ollivier qui jouait Chérubin, prêtait son innocence à des effets de scène calculés, sensuels, où Beaumarchais, flatteur hardi des goûts du temps, groupait ces trois femmes amoureuses. Autour de la Sainval, autour de la Contat, Ollivier Chérubin voltigeait, «léger comme une abeille» dans les jardins de Trianon. C'était fort chatouilleux, sensible avec cela, libertin, et pourtant les yeux étaient humides. Sans deviner pourquoi, on eût tout pardonné à ce Chérubin-fille, à cette enfant touchante, qui défaillit bientôt, mourut (à dix-huit ans), et qui, dans le plus hasardé, gardait l'attendrissant de celle qui devait vivre peu.
    Au moral, le drame valait les mœurs publiques. Tout en les censurant, il en donnait le pire. Le Roi fut très-chagrin de son étourderie à permettre la pièce; il fut blessé aussi pour Monsieur, critique anonyme, qui eut de Figaro un vigoureux soufflet. Mais le Roi, je le crois, fut bien plus blessé pour lui-même. On avait dans la pièce repris pour la comtesse (visiblement la Reine) la très-sotte légende d' épouse négligée . Il l'aimait plus alors qu'il n'avait jamais fait plus jeune, s'attachant, s'enivrant de la possession quotidienne, la voyant elle-même se prendre peu à peu d'habitude, de fatalité. Et très-réellement sans guérir de ses vices, elle finit par aimer son mari.
    Que l'on jouât dans Figaro les tristesses de la chère personne, et sa légèreté, les orages de Trianon, il le trouva exorbitant. Quand Monsieur le pria de punir Beaumarchais, il était à jouer, il saisit une carte, et (le sang lui montant au cœur et au visage), il écrit dessus: «Saint-Lazare.»
    Arrêté! et à Saint-Lazare, où l'on fouettait les petits polissons!... Lâche outrage d'un homme tout-puissant au talent! à celui qui, tel quel, avait eu le bonheur de faire plus que personne dans le destin de l'Amérique. Par cela, Beaumarchais devait rester sacré.
    Une caricature atroce figurait Beaumarchais entre les mains des bourreaux lazaristes.
    Le public prit pour lui l'outrage. Et quel public? Quelle est cette jeunesse ardente à Figaro? Quels sont ces enfants sombres et qui ne rient de rien? Les juges mêmes de Louis XVI. Dans ce parterre, Danton, Robespierre ont vingt ans. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XVI.
MONTGOLFIER, LAVOISIER. — ROHAN ET LA VALOIS.
1783-1784.
    «De l'audace, encore de l'audace!» Ce mot qu'on dit plus tard était dans les esprits. Un fait extraordinaire, un spectacle inouï, en montrant tout possible au courage de l'homme, exalta l'espérance, déchaîna l'imagination.
    Tout Paris réuni à la Muette, le 21 novembre 1783, vit deux hommes dans une nacelle qu'emportait un ballon, monter majestueux et calmes. Le ballon, trouvé le 6 juin par Montgolfier, se gonflait constamment dans le voyage au moyen d'un réchaud, d'une combustion qui l'emplissait de gaz. Moyen très-dangereux. Ce n'étaient pas des hommes d'un courage vulgaire (Pilâtre, Arlandes); les premiers des mortels qui quittèrent notre globe, osèrent mettre l'air sous leurs pieds, soulevés vers le ciel par la machine incendiaire qui pouvait les précipiter.
    Aux Tuileries, le 1 er

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