Histoire de France
plus sûrement par la « hideuse banqueroute ». C’est elle, en effet, qui devait tuer la Révolution peu d’années plus tard.
Dans l’histoire, la division des chapitres est le plus souvent artificielle, les coupures sont arbitraires, parce que les événements ne s’arrêtent jamais. Quand la Révolution a-t-elle commencé ? À quel moment le règne de Louis XVI a-t-il vraiment pris fin ? On peut donner des dates diverses. Il nous paraît rationnel de fixer les journées d’octobre pour les raisons que nous allons dire.
Les états généraux s’étaient ouverts selon des principes et avec un cérémonial également traditionnel. Puis la distinction des trois ordres, distinction essentielle, avait disparu. Les états étaient devenus une Assemblée Nationale qui s’était proclamée Constituante. Pendant qu’elle s’occupait à donner une Constitution au royaume, c’est-à-dire une nouvelle forme à la société et au gouvernement, non seulement elle avait été impuissante à porter remède à la maladie financière, en raison de laquelle avaient été convoqués les états, mais encore elle l’avait aggravée. Il y avait donc eu des surprises et des déconvenues pour tout le monde. Mais si le roi, comme l’Assemblée, comprenait, beaucoup mieux qu’on ne l’a dit, qu’il s’agissait bien d’une révolution, on était encore trop près du point de départ pour ne pas croire que tout s’arrangerait. On en était trop près aussi pour qu’on se crût dans une situation entièrement neuve. Et de fait elle ne l’était pas. Que fallait-il pour qu’elle le devînt ? Que le débat ne fût plus entre le roi et l’Assemblée seulement, qu’une autre force, vraiment révolutionnaire celle-là, intervînt, pesât sur ces deux pouvoirs et prît désormais plus d’influence qu’eux. C’est ce qui se produisit à partir des journées d’octobre, c’est-à-dire au moment où l’autorité royale était déjà diminuée par l’Assemblée et où le prestige de l’Assemblée était affaibli par son impuissance à maintenir l’ordre et à améliorer les finances.
Depuis le mois de juillet, l’Assemblée discutait la constitution. Louis XVI avait laissé naître ce débat. Mais il était la loi vivante. Il dépendait de lui d’accepter et de repousser les atteintes portées à son autorité. L’Assemblée craignait donc toujours son refus et elle était tentée de voir à la Cour ou dans l’armée des complots pour encourager le roi à la résistance. Répandre la peur de ces complots, les dénoncer à toute minute, c’était d’autre part le rôle des agitateurs qui n’avaient pas tardé à paraître, dont la prise de la Bastille et les désordres qui l’avaient suivie avaient été le triomphe, Camille Desmoulins, Marat, Loustalot, qui excitaient Paris par des discours et par la presse. L’Assemblée se méfiait de Paris où la nouvelle loi municipale, loi infiniment dangereuse, principe de tout ce qui allait survenir, avait créé une Commune de trois cents membres, encore modérée, mais servie par une garde nationale, qui, sous la direction de La Fayette, esprit chimérique et avide de popularité, était une médiocre garantie pour l’ordre. Les agitateurs parisiens ne manquaient pas une occasion de soulever la rue, et le désarroi grandissant de l’Assemblée, qu’ils menaçaient sans cesse et qu’ils intimidaient, ne leur échappait pas. Dans les premiers jours d’octobre, le bruit fut répandu qu’à Versailles, à un banquet de gardes du corps, la nouvelle cocarde tricolore avait été foulée aux pieds et qu’un coup de force se préparait. Le 5, le pain ayant manqué dans quelques boulangeries de Paris, dont l’approvisionnement commençait à souffrir de la désorganisation générale, il y eut une émeute de femmes qui grossit rapidement et le mot d’ordre : « À Versailles ! » circula aussitôt. La Fayette, après une hésitation, eut l’insigne faiblesse de céder et la garde nationale suivit le tumultueux cortège au lieu de lui barrer la route. La foule se porta alors sur Versailles, envahit l’Assemblée et le château, égorgea les gardes du corps, réclama la présence du roi à Paris. La Fayette le promit et, le 6 octobre, toujours accompagné de l’émeute, ou plutôt son prisonnier, conduisit dans la capitale, roi, reine, dauphin et députés. On se consola en répétant le mot idyllique : « Nous amenons le boulanger, la boulangère et le
Weitere Kostenlose Bücher