Histoire de France
petit mitron. » La vérité, très grave, c’était que la royauté et l’Assemblée (qui, regardant l’armée comme une force contre-révolutionnaire, n’avait pas admis un instant la résistance) avaient également capitulé. Désormais, l’émeute tenait ses otages. Le jour où les plus violents seraient maîtres de Paris et de sa municipalité – de sa Commune, – ce jour-là, ils seraient les maîtres du gouvernement. L’histoire, le mécanisme, la marche de la Révolution jusqu’au 9 thermidor tiennent dans ces quelques mots.
Chapitre 16 La Révolution
Le sens des journées d’octobre, dont on ne punit même pas les excès, fut compris : cent vingt députés, estimant que l’Assemblée n’était plus libre, se retirèrent. Parmi eux était Mounier, l’homme du programme de Vizille. Dès le mois de juin, l’émigration avait d’ailleurs commencé. De la fraternité on allait à la guerre civile comme de l’amour du genre humain on irait à la guerre étrangère.
La première émigration n’eut pas seulement pour conséquence d’affaiblir à l’intérieur les éléments de résistance au désordre. Pour la plupart, ces émigrés étaient non pas des timides qui avaient peur de la révolution, mais des hommes énergiques qui voulaient la combattre et qui trouvaient aussi naturel de passer l’étranger que, sous la Fronde, l’avaient trouvé Condé et Turenne. Ils furent ainsi amenés à prendre les armes contre leur pays et s’aperçurent trop tard que les monarchies européennes n’étaient disposées à aucun sacrifice pour restaurer la monarchie française. La première émigration entraîna de graves conséquences à l’intérieur. Elle causa de redoutables embarras à la royauté à laquelle les émigrés ne pardonnaient pas ses concessions au mouvement révolutionnaire et qui fut prise entre deux feux. Les députés du tiers qui, comme Mounier, s’éloignèrent par dépit et renoncèrent tout de suite à la lutte n’eurent pas un tort moins grave. Les uns et les autres, en tout cas, avaient vu qu’il s’agissait bien d’une révolution. On ne peut pas en dire autant de beaucoup qui gardèrent leurs illusions ou ne s’aperçurent de rien. À cet égard, un des incidents de haute comédie qui marquèrent ces temps déjà tragiques, fut celui que soulevèrent les Parlements lorsqu’ils prétendirent, comme s’il n’y avait rien de changé, enregistrer les décrets de l’Assemblée Nationale de la même façon qu’ils enregistraient les édits royaux. On leur fit voir qu’ils rêvaient. Ils furent supprimés et l’on n’en parla plus.
Vers la fin de l’année 1789, bien peu de mois s’étaient écoulés depuis que les états généraux s’étaient réunis. Déjà tant de choses avaient été transformées qu’un simple retour en arrière n’était plus possible. La résignation de Louis XVI aux événements a paru inexplicable. Son invincible aversion pour la manière forte n’est même pas l’unique raison de sa passivité. Mais l’auteur de Télémaque et le sage Mentor en personne, eussent été aussi embarrassés que lui. Imaginons qu’à un moment quelconque un coup de force eût chassé l’Assemblée. Quelle sorte de gouvernement y aurait-il eu ? Le roi eût-il relevé ces Parlements, restauré ces provinces à privilèges, ces pays d’états dont l’opposition ou les résistances avaient tant gêné la monarchie ? Les anciennes institutions d’origine, historique ranimées par le roi lui-même, avaient été renversées par les états généraux institution d’origine historique aussi. Comment sortir de là ? Cette difficulté, cette contradiction paralysaient Louis XVI depuis le début de son règne. Peut-être avait-il fini par penser, comme le pensèrent des hommes qui avaient vu les embarras du gouvernement avant 1789, qu’après tout ce qui disparaissait avait voulu et appelé son sort. Cependant, il fallait remplacer ce qui était détruit. La constitution que l’Assemblée élaborait devait tenir lieu des coutumes, des droits traditionnels, des lois fondamentales dont se composait ce que les légistes appelaient l’ancienne constitution du royaume. On comptait y ménager le rôle et l’avenir de la monarchie, dont le principe n’était même pas discuté. En 1789, selon le mot de Camille Desmoulins, il n’y avait pas dix républicains avoués en France.
Mais il ne s’agissait pas seulement de donner au royaume une forme de
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