Histoire de France
pénible, la victoire de Wagram coûteuse (juillet 1809). Mais une autre complication sortait de cette victoire. Pour frapper plus sûrement l’Autriche, Napoléon s’était servi contre elle de Poniatowski et des Polonais. Comme au dix-huitième siècle, la Pologne altérait notre politique et nos alliances, et, depuis les partages, elle réunissait toujours la Russie, la Prusse et l’Autriche. Alexandre, resté neutre pendant la guerre austro-française, veillait sur la Galicie, et, déjà déçu par l’abandon des projets sur la Turquie, s’inquiétait d’une résurrection de la Pologne. Alors, si la Russie n’était plus pour Napoléon une alliée fidèle, si elle refusait de s’associer au blocus continental, elle devenait une ennemie et alors il faudrait la battre à son tour. L’idée de vaincre l’Angleterre par l’Europe et l’Asie, la mer par la terre, conduisait à ces conséquences, absurdes à première vue, pourtant logiquement liées.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que Napoléon se résolut à franchir le Niémen et à porter la guerre en Rassie. Il espérait toujours ne pas en venir là si l’Espagne était soumise, si les États-Unis, auxquels il promettait la Floride après leur avoir cédé la Louisiane, déclaraient la guerre à l’Angleterre, qui, frappée par le blocus continental dans ses intérêts, dans son existence même, finirait par demander la paix. Sans doute ce blocus portait un coup terrible au commerce britannique. Il n’était pas moins grave pour le commerce des autres nations. La Hollande ne s’y soumettait pas et Napoléon dut la reprendre à son frère Louis, qui avait épousé la cause de ses nouveaux sujets. Il l’annexa et la divisa en départements. C’était pour l’Angleterre une raison de plus de ne pas désarmer. Ainsi le blocus continental menait soit à de nouvelles guerres, soit à de tels accroissements de l’Empire que les Anglais, refusant de reconnaître les conquêtes de la Révolution, devaient aussi résolument refuser de reconnaître les conquêtes nouvelles, entraînées par les premières et destinées à les garantir.
La France commençait à s’inquiéter. Le bon sens disait que cette extension du territoire et de la guerre ne pouvait pas être indéfinie, et pourtant on n’en voyait pas la fin. Dans l’entourage même de l’empereur, des hommes perspicaces, comme Talleyrand et Fouché, commençaient à penser que tout cela finirait mal. Et pourtant l’Empire ne parut jamais si grand, l’avenir si sûr qu’en 1810, lorsque Napoléon eut divorcé, renvoyé Joséphine qui ne lui avait pas donné d’enfant, épousé une archiduchesse en copiant le contrat de Marie-Antoinette et de Louis XVI dans la famille duquel il entrait. L’an d’après, Marie-Louise lui donnait un fils, l’Empire héréditaire avait un héritier et cet héritier, il était nommé Roi de Rome comme celui du Saint-Empire s’était appelé roi des Romains. Mais Rome, en 1811, n’était plus que le chef-lieu du département du Tibre, le Pape était déporté à Savone en attendant d’être prisonnier à Fontainebleau. Par le blocus continental, le restaurateur du catholicisme en France avait été conduit à s’aliéner les catholiques du monde entier. Et pourtant, excommunié, ayant, à Naples et à Madrid, détrôné des Bourbons, il avait épousé un fille des Habsbourg. Son extraordinaire fortune bravait tout.
Ce mariage autrichien, défi à la Révolution française elle-même, Napoléon ne s’y était décidé qu’après un mariage manqué avec une sœur d’Alexandre. L’empereur de Russie se dérobait à l’alliance et déjà Napoléon n’y croyait plus. Il jugeait même la guerre inévitable. Se mettant à la place du tsar, il pensait que l’Empire russe n’accepterait jamais l’extension de l’Empire français, qui, par les nécessités du blocus continental, avait fini par annexer les villes de la Hanse, Brême et Hambourg, devenus chefs-lieux de deux de nos 130 départements. La France allait jusqu’à la mer Baltique et plus elle se rapprochait de la Russie, plus un grand conflit était à craindre, parce que les difficultés naissaient à chaque instant de l’Oldenbourg, de la Pologne, de l’Orient, enfin de la répugnance des Russes à cesser le commerce avec les Anglais. Encore alliés, les deux empereurs armaient l’un contre l’autre, ces armements mêmes devenaient un grief. Napoléon, désormais convaincu que cette
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