Histoire de France
après avoir tant ménagé la papauté, l’empereur entrait en conflit avec elle. Le général Miollis occupait Rome pour fermer les États pontificaux, comme le reste de l’Europe, au commerce anglais et forcer Pie VII à devenir belligérant. Ainsi le blocus continental entraînait l’empereur à des violences croissantes et à des efforts excessifs, car bientôt, pour tenir toute l’Allemagne, toute l’Italie avec les deux rives de l’Adriatique, l’Espagne, le Portugal, il lui faudra un million d’hommes à demeure sous les armes et, à mesure que ses forces se disperseront, ses violences comme ses conquêtes seront moins patiemment subies.
La tâche la plus facile en Espagne, ce fut de détrôner les Bourbons. Attiré à Bayonne dans un piège, Charles IV abdiqua et son fils Ferdinand renonça au trône qui fut donné à Joseph Bonaparte qui céda Naples à Murat ; Napoléon distribuait les royaumes comme des duchés et des préfectures. Les troupes qui avaient été réunies sous prétexte de fournir des renforts à l’expédition de Junot devaient appuyer le changement de dynastie. À cette opération, l’essentiel manqua le consentement du peuple espagnol. Une insurrection générale éclata, rapidement soutenue par les Anglais. En juillet 1808, une faute grave, commise par le général Dupont, entraîna la retentissante capitulation de Baylen. Joseph, à peine installé à Madrid, prit, à la suite de ce revers, la décision encore plus grave d’évacuer sa capitale et de se replier avec ses troupes vers les Pyrénées. Cependant, nos communications étaient coupées avec le Portugal dont la population, d’abord soumise, se souleva à son tour et, une armée anglaise ayant été débarquée, Junot, après des combats héroïques, obtint, par une capitulation honorable, que ses soldats fussent rapatriés par la flotte anglaise.
En détrônant les Bourbons pour être plus sûr de l’Espagne, pour l’administrer directement et, comme il disait, pour la régénérer, Napoléon n’y avait pas seulement attiré les Anglais, reçus comme des alliés et des libérateurs. Il ne se condamnait pas seulement à une lutte difficile qui recommençait toujours, contre un peuple insurgé. Le soulèvement de la nation espagnole fut, en outre, contagieux. En Prusse, au Tyrol, en Dalmatie, le patriotisme fut exalté, l’idée de la guerre sainte pour l’indépendance naquit et grandit. L’Espagne fut, ainsi que l’empereur l’a reconnu dans le Mémorial, le premier de ses écueils. En même temps, sa politique se compliquait. L’alliance avec la Russie était languissante. Le partage de la Turquie était abandonné. Napoléon ne pouvait laisser aux Russes ce qu’ils désiraient le plus ardemment, c’est-à-dire Constantinople, qu’ils ne pouvaient pas davantage lui accorder. En 1808, à l’entrevue d’Erfurt, renouvelant celle de Tilsit, les deux empereurs, devant un « parterre de rois », se prodiguèrent les marques d’amitié. Napoléon permit à Alexandre de s’emparer de la Valachie et de la Moravie (la Roumanie actuelle), alors provinces turques. Sur la demande du tsar, il consentait encore à évacuer une grande partie de la Prusse, évacuation que l’insurrection espagnole et les prélèvements de troupes qu’elle exigeait rendaient d’ailleurs nécessaire : la limite de nos forces commençait à être atteinte. Cependant l’Autriche reprenait courage, l’Angleterre, toujours généreuse de subsides, la poussait aux hostilités, et le tsar se réservait quand Napoléon lui demandait de se joindre à lui pour l’intimider. L’entrevue d’Erfurt laissait apparaître que l’alliance franco-russe n’était pas solide, et Napoléon, sentant bien que les affaires d’Espagne nuisaient à son prestige, résolut de franchir les Pyrénées pour installer lui-même son frère Joseph à Madrid.
Il faudrait des volumes entiers pour raconter ces campagnes qui s’engendraient l’une l’autre et dont aucune ne décidait rien. À peine Napoléon eut-il rétabli la situation militaire en Espagne et ramené Joseph qu’il dut laisser ses lieutenants aux prises avec les rebelles. L’Autriche, encouragée par les difficultés de la France, était encore une fois entrée en guerre, et l’empereur dut se rendre des bords de l’Ebre aux bords du Danube. Les préparatifs de l’Autriche avaient été sérieux.
Ce n’était pas un adversaire négligeable. La journée d’Essling fut
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