Histoire de France
siècle. De même, la Prusse, l’Autriche, la Russie, par leurs partages de la Pologne leurs agrandissements en Allemagne et en Orient, donnaient tout son sens à une guerre dont ces conquêtes étaient le but véritable.
Elles avaient été rendues possibles par le bouleversement de l’Europe que la Révolution avait provoqué, qu’avait achevé l’Empire, et par lequel la France avait perdu les avantages qu’elle possédait depuis le traité de Westphalie. À quelle dangereuse instabilité était vouée cette Europe nouvelle, on le vit dès le Congrès de Vienne, où tous les États européens, la France comprise, furent appelés pour construire un système d’équilibre destiné à remplacer celui que nous avions nous-même anéanti. À peine le Congrès était-il réuni que déjà on parlait de guerre. Les Alliés se disputaient les dépouilles de l’Empire napoléonien. À la Prusse et à la Russie, unies par leurs convoitises, s’opposaient l’Autriche et l’Angleterre, du côté desquelles la France se rangea. Au milieu de ces rivalités, les instructions de Louis XVIII, habilement servies par Talleyrand, rétablirent tout de suite notre situation européenne. La France, à qui on avait tout refusé, prenait le rôle du pays désintéressé, défenseur du droit public et des souverainetés légitimes, adversaire des conquêtes et des partages cyniques. Les Alliés avaient feint de la combattre au nom d’un principe. Elle s’armait maintenant de ce principe pour empêcher les dangereux accroissements des autres pays, les vastes agglomérations que Napoléon n’avait que trop favorisées. Elle s’en armait pour mettre l’Allemagne à l’abri de la Prusse, l’Italie à l’abri de l’Autriche, la Turquie enfin, où nous avions à maintenir nos anciens privilèges, à l’abri de la Russie. Cette politique, conforme à nos meilleures traditions diplomatiques, renouait avec celle de Vergennes. C’était celle de notre sécurité. Elle nous mettait à la tête du parti de la modération, nous rendait le rôle de protecteurs des États moyens et petits. C’est dans cet esprit que Talleyrand défendit le roi de Saxe qui était resté fidèle à Napoléon, et dont la Prusse, sous ce prétexte, voulait garder le royaume. L’indépendance de la Saxe garantissait l’indépendance des autres États germaniques et, dans la mesure du possible, après les simplifications que Napoléon avait opérées en Allemagne, restaurait le traité de Westphalie. En échange de la Saxe, qu’il désirait avidement, parce qu’elle aurait fait de son, territoire un tout homogène, le roi de Prusse reçut les provinces rhénanes dont il ne voulait pas, parce qu’elles étaient éloignées du centre de l’État prussien, séparées de lui par d’autres États allemands, et difficilement assimilables par un pays protestant, étant catholiques. De nos jours, on reproche encore à Talleyrand d’avoir installé la Prusse à nos portes. « Rien, répondait-il, ne serait plus simple, plus naturel, que de reprendre ces provinces à la Prusse, tandis que si elles eussent été données en dédommagement au roi de Saxe, il serait difficile de l’en dépouiller. »
Un an à peine s’était écoulé depuis que les Alliés étaient entrés à Paris, et la situation de la France en Europe était rétablie au-delà de tout espoir. Le service qu’on attendait des Bourbons, ils l’avaient rendu. La preuve en était dans la déception de nos ennemis les plus haineux qui étaient les Prussiens. Le nationalisme germanique, tiré d’un long sommeil par les principes de la Révolution, puis soulevé contre la domination napoléonienne, avait rêvé d’une grande Allemagne, étendue jusqu’aux Vosges, unie par le pays de Frédéric et des patriotes réformateurs et libéraux qui avaient préparé la guerre de l’Indépendance. Et l’Allemagne restait divisée, à l’état de Confédération où l’Autriche était le contrepoids de la Prusse, aussi semblable à l’ancien Empire germanique qu’elle pouvait l’être après les remaniements territoriaux de Napoléon.
Et la France ? Appréciait-elle cette espèce de miracle de l’art politique qui lui avait permis d’échapper à l’alternative du partage ou de l’asservissement ? Ce redressement, on ne l’a compris, admiré que plus tard, après de plus dures épreuves. C’est seulement à la suite du traité de Francfort que l’histoire a réhabilité le traité
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