Histoire de France
La garantie des propriétés, des rentes, des pensions allait de soi : pour régner sur la France, il fallait la prendre telle qu’elle était. Il n’y eut qu’une chose que Louis XVIII n’accepta pas : c’était le caractère conditionnel de cette Constitution. D’une Charte imposée, qui l’eût diminué, qui eût soumis son pouvoir à toutes sortes d’exigences et de capitulations successives, comme il était arrivé à Louis XVI, il fit une Charte accordée, « octroyée ». Ainsi le principe monarchique était sauf, ou bien ce n’était pas la peine de restaurer la monarchie, et la transition était assurée entre la monarchie « absolue » et la monarchie « constitutionnelle ». Louis XVIII y gagnait de s’être fait respecter des nouveaux constituants comme il se faisait respecter des souverains ennemis. « On aurait dit, remarquait Alexandre, que c’était lui qui venait de me replacer sur le trône. »
La monarchie avec la Charte était donc la combinaison la plus favorable, la plus naturelle aussi que l’on pût trouver. Elle conciliait le passé et le présent, l’ordre et la liberté. Mais, avant tout, sans les Bourbons, la France était vouée, comme le disait Talleyrand, à l’asservissement ou au partage. L’étranger vainqueur était sur notre sol, il restait à conclure la paix et ce n’était pas le moins difficile. La monarchie était bien innocente du désastre. Ce qui avait porté le dernier coup à Louis XVI, c’était son opposition à la guerre de 1792, la guerre qui venait seulement de se terminer par l’entrée des Alliés à Paris. La monarchie avait pour tâche de liquider cette longue aventure. On s’aperçut alors que les Alliés n’avaient combattu ni la Révolution ni Napoléon, mais la France. La paix qu’ils firent était à peine moins dure que celle qu’ils auraient imposée vingt ans plus tôt à la République s’ils avaient été vainqueurs. Il leur était indifférent que leurs exigences fussent nuisibles à la popularité des Bourbons, rendus responsables d’une situation qu’ils n’avaient pas créée.
Louis XVIII n’était pas encore rentré en France que la véritable pensée des Alliés éclatait. Ce que la France désirait le plus ardemment, c’était d’être délivrée de l’occupation étrangère. Par la convention du 29 avril, le comte d’Artois avait reçu la promesse d’une évacuation immédiate en échange de la reddition des troupes françaises qui se défendaient encore isolément en Italie, en Allemagne, en Hollande. La France tint ses engagements, les Alliés ne respectèrent pas les leurs. Ils avaient vaguement annoncé qu’ils reconnaîtraient à la France des frontières plus larges que celles de 1792. Le traité de Paris du 30 mai 1814 ne nous accorda qu’une légère rectification de frontières avec Philippeville et Marienbourg. Landau qui, sous Louis XVI, formait une enclave française, fut rattaché au royaume et nous reçûmes la limite de la Queich, celle que demandait le maréchal Foch et que nos alliés nous ont formellement refusée en 1919. Louis XVIII tenait surtout, ce qui était la doctrine de notre sécurité, doctrine aussi immuable que la géographie elle-même, à mettre une plus longue distance entre Paris et les portes d’invasion, à garder, de Dixmude à Luxembourg, les lignes et les places qui nous couvrent. Là-dessus, il se heurta à une volonté inflexible. C’était bien pour nous chasser de Belgique que l’Angleterre avait soutenu la guerre si longtemps. Son idée n’avait pas varié. Comme en 1713, il s’agissait de dresser entre la France et l’embouchure de l’Escaut une « barrière » qui serait encore hollandaise. La Belgique redevint l’objet de ces calculs diplomatiques et stratégiques dont elle était victime depuis si longtemps et fut réunie à la Hollande sans être consultée. En même temps, l’Angleterre jetait un vaste coup de filet sur des bases navales, des colonies, qui n’avaient rien de commun avec la guerre de principes qu’elle avait affecté de conduire contre la Révolution. Quand elle nous prenait l’île de France, devenue l’île Maurice, Tabago et Sainte-Lucie dans les Antilles, quand elle nous interdisait de rentrer à Saint-Domingue, quand elle gardait le Cap enlevé à la Hollande, quand elle s’emparait de Malte, des îles Ioniennes, elle continuait le plan de domination maritime qu’elle avait poursuivi pendant tout le dix-huitième
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