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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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et louche. Quatre ans plus tôt, le propre frère de Léopold, le prince Charles, choisi comme souverain par la Roumanie, avait passé outre à l’interdiction d’une conférence européenne, s’était rendu sous un déguisement à Bucarest, et, là, s’était prévalu du fait accompli. Le roi de Prusse avait affirmé que son parent avait agi à son insu, alors que Bismarck avait tout approuvé. Le gouvernement français connaissait d’autant mieux cette histoire qu’il avait été favorable au prince Charles. C’est pourquoi, en juillet 1870, le ministre des Affaires étrangères Gramont jugea indispensable de s’assurer que la France ne serait pas jouée en Espagne comme l’Europe l’avait été en Roumanie. Il chargea notre ambassadeur Benedetti d’obtenir des garanties du roi Guillaume qui était alors aux eaux d’Ems. Guillaume ler était aussi prudent et même timoré que son ministre était audacieux. Il se contenta de faire répondre à Benedetti qu’il considérait la question comme close et qu’il n’y avait pas lieu d’accorder à l’ambassadeur de France l’audience demandée. Le récit, de ce refus, arrangé par Bismarck de manière à devenir offensant pour la France, donna à Paris l’impression que la Prusse nous provoquait. La Chambre, l’opinion publique étaient déjà irritées. La « dépêche d’Ems » produisit l’effet qu’avait calculé Bismarck. À Paris, la foule réclamait la guerre. On criait : « À Berlin ! » Émile Ollivier prononça le mot qui pèse encore sur sa mémoire : « Cette responsabilité, nous l’acceptons d’un cœur léger. » Bismarck l’acceptait aussi. C’était lui qui avait sa guerre. Elle lui fut déclarée, comme il le souhaitait, le 19 juillet 1870.
    Cette guerre, bien peu de Français avaient compris ce qu’elle signifiait, deviné ce qu’elle allait être. On pensait n’avoir à combattre que la Prusse, puissance malgré tout de second ordre, à qui l’on en voulait encore plus de son ingratitude que de son ambition, et de petits États germaniques, ses alliés, qu’on ne prenait pas au sérieux. La France entrait en conflit avec le peuple allemand tout entier quand elle croyait n’avoir affaire qu’aux Prussiens. On n’imaginait même pas ce qui allait fondre sur nous. La défaite, l’invasion n’étaient entrevues par personne. Si la France avait été envahie deux fois, en 1814 et en 1815, c’était par une coalition écrasante et après de longues années de victoires. Toutes les campagnes du second Empire avaient encore eu lieu au loin. Une victoire de la Prusse paraissait invraisemblable. On comprend le choc terrible que la France reçut d’événements auxquels rien n’avait préparé ni ceux qui n’avaient pas observé les progrès de l’unité allemande sous l’influence et la direction de l’État prussien, ni ceux qui regardaient le mouvement des nationalités comme légitime et pacifique, ni ceux qui annonçaient qu’il n’y aurait plus de guerres ou que, s’il y en avait encore entre les monarchies, il ne pouvait y en avoir de peuple à peuple.
    La première déception vint de notre solitude. Nous n’avions pas une alliance. La Russie, par rancune, laissait faire la Prusse. L’Angleterre craignait qu’après une victoire la France n’annexât la rive gauche du Rhin et peut-être la Belgique. L’Italie n’attendait que notre défaite pour achever son unité et entrer à Rome. L’Autriche était intéressée à prendre sa revanche de Sadowa, mais elle n’avait pas confiance en nous et elle connaissait la force de la Prusse. Toutes les fautes de la politique des nationalités se payèrent alors. Cette politique, Napoléon III avait cru habile de l’exécuter par étapes. S’il avait évité la coalition que Louis-Philippe redoutait, il n’avait réussi à la fin qu’à nous laisser seuls et affaiblis en face de l’Allemagne organisée et commandée par la monarchie prussienne.
    La défaite fut d’une soudaineté effroyable. L’ennemi, prêt avant nous, était entré en Lorraine et en Alsace. Le 3 août, nous avions perdu les batailles de Frœchwiller et de Forbach. Douze jours plus tard, l’armée du Rhin était bloquée dans Metz. Une autre armée, formée à Châlons, s’étant mise en marche pour la délivrer, fut prévenue et arrêtée par les Allemands. Elle ne tarda pas à être enfermée dans la petite place de Sedan avec l’empereur lui-même qui l’accompagnait. Il ne

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