Histoire de France
lui resta plus qu’à se rendre. Le 2 septembre, Napoléon III et cent mille hommes étaient prisonniers.
Le dimanche 4 septembre, la nouvelle du désastre était connue à Paris. D’un seul coup, l’Empire s’effondra. À la Chambre, les républicains, Jules Favre, Gambetta hésitaient encore, craignant les révolutionnaires. Ils essayaient de donner à la déchéance une forme régulière et légale lorsque, comme en 1848, la foule envahit le Palais-Bourbon et réclama impérieusement la République. Les chefs de la gauche la suivirent alors à l’Hôtel de Ville où fut proclamé un gouvernement de la Défense nationale, tandis que l’impératrice-régente quittait les Tuileries dans un fiacre.
Personne ne songea seulement à défendre le régime napoléonien que le peuple souverain, quatre mois plus tôt, avait encore approuvé par 7 358 000 voix.
Chapitre 21 La Troisième République
La défaite et l’invasion avaient renversé Napoléon III comme elles avaient renversé Napoléon ler. Mais, en 1870, la situation était beaucoup moins simple qu’en 1814 et en 1815. L’opération du 4 septembre ressembla plutôt, dans une certaine mesure, à celle de 1830. Ce point, trop méconnu, doit être mis tout de suite en lumière.
Les hommes qui formaient le gouvernement de la Défense nationale s’étaient empressés d’arrêter l’émeute et de lui soustraire le pouvoir, comme les libéraux après les journées de Juillet. Dès le début, la coupure avec les révolutionnaires avait été nette. Mais, dans ce directoire bourgeois, il y avait aussi deux tendances distinctes. Les uns, comme Jules Simon, Jules Favre, Ernest Picard, étaient des modérés, des politiques. Thiers, qui passait encore pour orléaniste, était déjà très près d’eux. Ceux-là comprenaient que la guerre était perdue et ils songeaient à la liquider le plus tôt possible. L’autre groupe, à la tête duquel était Gambetta, se composait de républicains ardents qui conservaient les traditions jacobines et qui voulaient la guerre à outrance. Le nouveau gouvernement, exactement comme celui de Louis-Philippe, aurait un parti de la résistance et un parti du mouvement. Tandis qu’il subirait des assauts révolutionnaires, il serait divisé sur la question de la paix. La République s’affermit et dura parce que l’insurrection fut vaincue et parce que le parti belliqueux eut le dessous. Thiers, avec son expérience de la politique et de l’histoire, comprit clairement cette situation et c’est ainsi qu’il devint le véritable fondateur du régime nouveau.
Les modérés eurent un moment l’illusion que, comme en 1814 et en 1815, l’ennemi en voulait surtout à l’Empire et que l’Empire renversé, la paix deviendrait facile. Ils durent s’apercevoir tout de suite que la Prusse faisait la guerre à la France. Dès le 15 septembre, Jules Favre, à Ferrières, rencontra Bismarck qui exigea l’Alsace. L’espoir qu’avaient eu les modérés s’évanouissait. La paix acceptable, la transaction honorable, qu’on s’était flatté d’obtenir après la déchéance de la dynastie napoléonienne, n’étaient pas possibles. Gambetta et les partisans de la guerre à outrance furent fortifiés par cet échec, et l’organisation de la résistance commença. De là, une autre conséquence devait sortir. D’une part, Bismarck ne voulait traiter qu’avec un gouvernement régulier et, celui de la Défense nationale ne l’étant pas, il fallait des élections pour qu’il devînt légal. D’autre part, Gambetta craignait les élections qui pouvaient être à la fois hostiles à la République et favorables à la paix. On prit donc le parti de les ajourner.
Trois jours après l’entrevue de Ferrières, les armées allemandes commençaient l’investissement de Paris. Séparée du reste de la France, pleine d’illusions sur la « sortie en masse », travaillée par les révolutionnaires, la grande ville allait être assiégée pendant quatre mois. Le gros du gouvernement était resté enfermé dans la capitale et n’avait au-dehors qu’une délégation, établie à Tours, qui persistait à réclamer la convocation immédiate des électeurs. Ce désaccord pouvait entraîner une scission. Pour la prévenir et pour diriger la résistance en province, Gambetta quitta Paris en ballon. Se trouvant seul à Tours, avec quelques collègues sans autorité, il exerça une véritable dictature et improvisa des armées, dans
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