Histoire de France
libéraux qui l’avaient désirée, puisque la Pologne n’était pas délivrée et que l’Italie, bien qu’elle eût enfin reçu la Vénétie en 1866, n’avait pas Rome. La grande masse des électeurs, qui tenait à la paix, était inquiète, parce que l’on commençait à parler d’accroître nos forces militaires pour tenir tête à la Prusse. Le principe des nationalités, qui n’avait donné que des déboires, n’exerçait plus la même séduction qu’autrefois. Une nouvelle école de républicains et de socialistes était venue, et celle-là, au lieu d’être belliqueuse, demandait l’abolition des armées permanentes. La réforme militaire du maréchal Niel, mollement soutenue par le gouvernement qui redoutait l’opinion publique, fut combattue par la gauche et n’aboutit pas. Enfin le mauvais souvenir de 1848 et des journées de Juin s’était éloigné. On ne savait plus gré à Napoléon III d’avoir rétabli l’autorité et l’ordre. Les dernières années de l’Empire s’écoulèrent ainsi dans le malaise et le trouble.
Pour le renverser, il fallut pourtant une catastrophe. Il y avait bien des révolutionnaires, mais personne ne pensait à une révolution. À mesure que l’Empire s’affaiblissait, il devenait plus libéral, et l’ancienne opposition se rapprochait du pouvoir. Seuls les jeunes, comme Gambetta, restaient encore irréductibles. Émile Ollivier, qui avait été un des Cinq, était déjà réconcilié avec Napoléon III. Le 2 janvier 1870, il fut chargé du ministère où entrèrent huit députés : le régime parlementaire, aboli en 1852, avait été reconstitué pièce à pièce. Et, de nouveau, l’empereur fit consacrer par un plébiscite ces réformes et son pouvoir. On vit alors, quatre mois avant la chute, combien l’ensemble de la nation française était conservateur, respectueux de l’ordre de choses établi, peu désireux d’un changement. Le 8 mai 1870, il y eut encore plus de 7 millions de oui contre un million et demi de non. On crut, Gambetta croyait lui-même, « l’Empire plus fort que jamais ». L’enterrement de Victor Noir, tué au cours d’une altercation par le prince Pierre Bonaparte, avait donné lieu à des manifestations qui parurent redoutables, mais qui restèrent sans suite. Quelques mouvements insurrectionnels, à peine ébauché, servirent le gouvernement au point qu’on l’accusa de les avoir provoqués. Mieux encore : le ministère Ollivier poursuivit des républicains pour complot contre la sûreté de l’État, emprisonna Rochefort, fit condamner l’Association internationale des travailleurs. On était au mois de juin. Sans le désastre qui approchait, nul ne sait combien de temps l’Empire aurait encore duré.
Une grave difficulté extérieure était déjà née et elle nous ramenait à une situation qui n’était pas nouvelle dans notre histoire. On ne s’étonne pas que nous soyons entrés en conflit avec la Prusse par le détour de l’Espagne quand on se rappelle la place que les affaires espagnoles avaient tenue aux siècles passés dans la politique française. En 1868, une révolution avait renversé la reine Isabelle et, pour la remplacer, le maréchal Prim, de concert avec Bismarck, avait offert le trône à un Hohenzollern catholique, le prince Léopold. La France ne pouvait pas plus admettre qu’un parent du roi de Prusse régnât en Espagne qu’elle n’avait admis un Habsbourg sous Louis XIV. On redit alors ce qu’on avait dit en 1700 : l’Empire, de Charles Quint ne doit pas se reconstituer. L’opinion, déjà montée contre la Prusse, vit dans la candidature Hohenzollern une provocation de Bismarck. Prévost-Paradol avait écrit que la France et la Prusse marchaient l’une contre l’autre comme deux locomotives lancées sur le même rail. Un jour ou l’autre, la rencontre devait se produire. Il fallait seulement que Bismarck, pour être sûr d’avoir toute l’Allemagne avec lui, se fît déclarer la guerre qu’il désirait, qui lui était nécessaire pour fonder l’unité allemande. Il se tenait prêt à saisir l’occasion et l’affaire d’Espagne la lui fournit.
Le gouvernement prussien avait affecté d’ignorer l’offre de la couronne d’Espagne à un Hohenzollern. Devant les protestations de la France, ce fut le père du prince Léopold qui déclina la candidature pour lui. À Paris, cette renonciation, à laquelle Bismarck et Guillaume refusaient de se mêler, parut insuffisante
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