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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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neutralité leur était indispensable pour conserver une majorité.
    Par la campagne contre la politique coloniale qui nous rapprochait de l’Allemagne, contre les combinaisons « opportunistes », contre l’alliance des modérés avec la réaction, contre la Constitution « orléaniste » de 1875, les radicaux avaient eux-mêmes créé l’état d’esprit « boulangiste » qui conquit Paris et qui ne tarda pas à le dominer. Le gouvernement, pour éloigner Boulanger, l’avait nommé commandant de corps d’armée à Clermont : la foule parisienne voulut le retenir. Déjà il avait été proposé, quoique inéligible, à une élection partielle et il avait recueilli près de 40 000 voix. Il était devenu le chef d’une opposition, lorsque les radicaux le renièrent, s’apercevant qu’ils avaient eux-mêmes créé un syndic des mécontents, un aspirant au pouvoir personnel et à la dictature, un danger pour la République. Cependant les radicaux, en ralliant l’union des gauches, ne furent pas suivis par toutes leurs troupes. Rochefort, l’ancien adversaire de l’Empire, l’ancien communard, le polémiste populaire dont l’influence était considérable à Paris, retenait dans le parti du général les éléments avancés. Des scandales, un trafic de décorations dans lequel Wilson, gendre du président de la République, fut compromis, donnèrent un aliment nouveau au mouvement boulangiste et antiparlementaire. En décembre 1887, la Chambre, voyant le péril, obligeait Jules Grévy à se démettre, et le Congrès élut à sa place Sadi Carnot, descendant du Conventionnel. Cette sorte d’épuration du personnel républicain n’arrêta pas le boulangisme. Le général, mis en retrait d’emploi, était devenu éligible, et deux départements l’envoyèrent tout de suite à la Chambre. La situation s’était retournée : désormais les monarchistes votaient pour lui avec les dissidents radicaux. Le 27 janvier 1889, Paris l’élisait à son tour à une majorité énorme et avec un enthousiasme extraordinaire. Ce jour-là, de l’aveu du gouvernement lui-même, Boulanger n’avait qu’un mot à dire pour entrer à l’Élysée et s’emparer du pouvoir. Il recula devant un coup d’État, confiant dans le résultat des élections générales.
    Le parti républicain, sauvé par cette hésitation, se défendit avec vigueur. L’union des gauches se renoua comme au 16 mai. Des poursuites furent ordonnées coutre les partisans les plus actifs du général, Déroulède et la Ligue des Patriotes. Boulanger lui-même, traduit en Haute Cour, se réfugia à Bruxelles ainsi que Rochefort. Le scrutin d’arrondissement, impropre aux plébiscites, fut rétabli. Mais surtout, les masses rurales, toujours pacifiques, étaient restées étrangères à ce mouvement parti de Paris et des grandes villes. Il avait suffi, pour les détourner du boulangisme, qu’on leur dît qu’il apportait la guerre. Aux élections d’octobre 1889, c’est à peine si, dans toute la France, quarante partisans du général furent élus.
    Le mouvement était fini, mais il eut des conséquences durables. D’abord il discrédita le révisionnisme et les attaques des radicaux contre la Constitution de 1875 devinrent moins ardentes et plus rares. On n’alla pas jusqu’à la démocratie directe et pure et la Constitution qu’avaient élaborée les conservateurs de l’Assemblée nationale dura. Ensuite les hommes les plus clairvoyants du parti républicain comprirent la leçon du boulangisme. Si, dans la soirée du 27 janvier 1889, la République parlementaire avait failli périr, la faute remontait à Jules Ferry et à la politique d’effacement en Europe. L’Allemagne grandissait toujours, s’armait toujours : pouvait-on négliger ce péril ? Là-dessus l’avertissement de l’instinct national, tel qu’il s’était manifesté par l’impopularité de Ferry et par le boulangisme, portait si juste que des réflexions nouvelles naquirent au gouvernement. M. de Freycinet, qui devint alors président du conseil, en témoigne dans ses Souvenirs : « La sécurité d’un grand peuple, disait-il, ne doit pas reposer sur la bonne volonté des autres ; elle doit résider en lui-même, en ses propres moyens, dans les précautions qu’il sait prendre par ses armements et ses alliances. » L’alliance russe, esquissée en 1875 par le duc Decazes, à laquelle on avait pensé dans l’entourage de Gambetta, était demandée par

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