Histoire de France
moyens contraires. Le roi Jean, délivré, vécut encore quatre ans qu’il passa à nettoyer le pays des brigands qui l’infestaient. Quand son fils Charles lui succéda (1364), il s’en fallait de beaucoup que cet ouvrage fût fini. Un grand règne de réparation et de restauration commençait. Charles V, qui fut surnommé le Sage, c’est-à-dire le savant, celui qui sait, n’est pas un personnage de Froissart. Il est dépourvu de panache. Il vit comme vivra Louis XI, renfermé. Il calcule, médite, thésaurise, il suit un plan, c’est un constructeur, l’homme dont la France a besoin. Il pansera ses plaies, il la remettra à son rang en moins de vingt années.
Son idée elle n’est pas difficile à saisir. La France ne peut pas se résigner au traité de Brétigny ou bien elle renonce à vivre. Il faut que l’Anglais sorte du royaume ou bien il finira par en devenir le maître. Pour le chasser, deux conditions nécessaires : une armée d’abord, une marine ensuite. D’armée, Charles V n’en a pas. Il est si loin d’en avoir une que son célèbre et fidèle connétable, Du Guesclin, n’a été d’abord que le capitaine d’une de ces bandes qui guerroient un peu partout. Le roi s’attache Du Guesclin, rallie par lui quelques-unes des grandes compagnies, en forme peu à peu des troupes régulières. Les Navarrais, toujours poussés en avant par l’Angleterre, sont battus à Cocherel : petite victoire, grandes conséquences. Le roi de Navarre comprend qu’il n’a plus rien à espérer, que l’ordre revient que le temps des troubles est fini. Charles le Sage transige avec Charles le Mauvais, en attendant mieux. Il transige partout, selon sa maxime qu’il faut savoir céder aux gens pervers. Il transige même avec les aventuriers irréductibles des grandes compagnies. Du Guesclin, par un trait de génie, conduit les réfractaires en Espagne, à la solde d’Henri de Transtamare, pour combattre Pierre le Cruel soutenu par les Anglais. Après des péripéties nombreuses Henri de Transtamare l’emportera et sera un utile allié de la France.
Pour libérer le territoire, il n’y avait qu’un moyen et Charles V, sage et savant homme de la réflexion et des livres, le comprit. C’était que l’Anglais ne fût plus maître de la mer. Dès que les communications entre l’île et le continent cesseraient d’être assurées, les armées anglaises, dans un pays hostile et qui supportait mal leur domination, seraient perdues. Créer une marine : œuvre de longue haleine, qui veut de la suite, de l’argent, et il a toujours été difficile d’intéresser le Français terrien aux choses de la mer. Charles V prépara de loin notre renaissance maritime et comptait, en attendant, sur la flotte de ses alliés d’Espagne. Encore le succès supposait-il que l’Angleterre négligerait la sienne. On ne s’expliquerait pas la rapidité de la revanche prochaine si l’Angleterre, à son tour, n’avait fléchi. Sur la fin du règne d’Édouard III, elle s’est fatiguée de son effort. Son régime parlementaire, déjà né avec la Charte des barons, s’est développé. La Chambre des Communes est séparée de la Chambre des Lords, elle a des sessions régulières, comme en voulaient nos états généraux, et les Communes, de moins en moins volontiers, votaient des taxes pour la guerre. Au chancelier qui leur demandait si elles voulaient la paix perpétuelle, les Communes répondaient : « Oui, certes. » L’Angleterre se relâchait de sa vieille ténacité.
Alors, ayant noué des alliances de terre et de mer, Charles V écouta l’appel des populations cédées et dénonça le traité de Brétigny. La campagne, menée par Du Guesclin, consistait à user l’ennemi, usure qui devint plus rapide quand la flotte anglaise eut été battue et détruite par les Espagnols devant La Rochelle. Les conditions de la lutte changeaient. Des corsaires français ou à la solde de la France inquiétaient les convois et parfois les ports de l’ennemi. Édouard III, alarmé, voulut frapper un coup, mais il lui fallut un an pour envoyer en France une nouvelle armée. La consigne fut de lui refuser partout le combat, de ne pas retomber dans les fautes de Crécy et de Poitiers. Cette armée anglaise allait à l’aventure, cherchant un adversaire qui se dérobait. Elle alla finir, exténuée, presque ridicule, à Bordeaux, tandis que château par château, ville après ville, les provinces du Sud-Ouest étaient
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