Histoire de France
féodale, se battit selon des principes qui ne valaient plus rien et recommença les fautes de Crécy. Cette fois le désastre fut complet. À Poitiers, le roi Jean, qui s’était battu en personne, la hache à la main, fut pris et emmené à Londres par les Anglais (1356).
La véritable couleur de ces événements a été gâtée par un conteur exquis et niais. Froissart ne s’arrête qu’aux coups d’estoc et de taille dont se « renlumine » son récit. La réalité ne fut pas si romanesque. Dans un pays où le désordre croissait depuis cinquante ans, la disparition du roi créa une situation révolutionnaire. Le dauphin Charles, nommé lieutenant du royaume, restait seul à Paris. Il devait, plus tard, être un de nos meilleurs souverains. C’était alors un très jeune homme, froid, d’aspect timide et chétif, précocement calculateur. Il n’eut pas d’autorité dans Paris, déjà grande ville tumultueuse. On vit alors tous les phénomènes de la « débâcle ». À la nouvelle de la catastrophe de Poitiers, on chercha les responsables. On accusa les nobles, c’est-à-dire les militaires. On cria à la trahison. Le dauphin ayant convoqué les états généraux, l’assemblée commença, comme toutes les assemblées en pareil cas, par nommer une commission d’enquête qui exigea l’institution d’un conseil de surveillance auprès du dauphin et des fonctionnaires publics, ainsi qu’un comité de l’armée chargé « d’ordonner pour le fait des guerres ». C’était une tentative de gouvernement parlementaire et, tout de suite, la politique apparut. Il y eut un parti navarrais aux états. Une des requêtes présentées par la commission tendait à mettre en liberté le roi de Navarre, illégalement détenu.
Les choses, ayant pris ce tour, devaient vite empirer. Aux requêtes des états, le dauphin avait répondu d’une façon dilatoire et demandé d’en référer à son père. Cependant la confusion s’aggravait dans le pays. Les Anglais et les Navarrais dévastaient les campagnes. Des bandes armées, les grandes compagnies, se livraient au brigandage. Paris, qui s’entourait en hâte de murs, s’emplissait de réfugiés, qui répandaient l’alarme et la fièvre. Plusieurs émeutes avertirent le dauphin qu’il eût à céder aux états généraux. Comme il disait plus lard : « Dissimuler contre la fureur des gens pervers, quand c’est besoin, est grand sens. » Il venait de rendre une ordonnance qui donnait satisfaction aux députés sur plusieurs points, sauf sur celui du roi de Navarre, lorsque le roi Jean fit savoir de Londres qu’une trêve étant signée avec l’Angleterre, il n’y avait plus lieu de voter les impôts proposés par les états ni, par conséquent, de tenir la session de Pâques. L’agitation de Paris s’accrut et, dès lors, Étienne Marcel se comporta en véritable chef révolutionnaire. Il fallait au mouvement l’appui d’un parti et d’un nom. Un coup de main délivra Charles le Mauvais qui, par la complicité du prévôt des marchands, vint à Paris et harangua le peuple. Cependant Étienne Marcel faisait prendre à ses partisans des cocardes rouges et bleues. Son plan était d’humilier le dauphin, de détruire son prestige et ce qui lui restait d’autorité. Un jour, s’étant rendu au Louvre avec une troupe en armes et suivi d’une grande foule, il adressa au dauphin de violentes remontrances. Puis, sur un signe du prévôt, les deux maréchaux, conseillers du jeune prince, qui se tenaient auprès de lui, furent assassinés sous ses yeux. Le dauphin lui-même, couvert de leur sang, fut coiffé par Étienne Marcel du chaperon rouge et bleu comme Louis XVI le sera un jour du bonnet rouge.
Ces scènes révolutionnaires, qui ont eu, quatre cents ans plus tard, de si frappantes répétitions, ne s’accordent guère avec l’image qu’on se fait communément de l’homme du Moyen Âge, pieusement soumis à ses rois. On sait mal comment le dauphin, captif d’Étienne Marcel, après la sanglante journée du Louvre, réussit à s’échapper de Paris. Ayant atteint l’âge de dix-huit ans, il prit le titre de régent et, réfugié en Champagne, il obtint l’appui des états de cette province. Ce fut le point de départ de la résistance. Beaucoup de députés aux états généraux, effrayés, avaient fui Paris. Ils tinrent à Compiègne une assemblée qui se prononça pour le régent, et lui accorda les ressources nécessaires pour lever
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