Histoire de France
de Charles VI. Et il était trop occupé des séditions de son royaume pour reprendre la guerre en France. Ce fut une des raisons de sa chute, non la seule, car il fut imprudent et extravagant avec ses Anglais et leur Parlement, si difficiles à gouverner. Richard II subit le sort d’Édouard II, à qui l’Angleterre reprochait aussi de lui avoir donné une reine française. Richard fut détrôné par son cousin Henri de Lancastre, puis assassiné. À la place d’un brouillon inoffensif, l’Angleterre avait un roi qui serait et notre adversaire et le père d’Henri V, l’homme d’Azincourt, un ennemi encore plus cruel que ne l’avait été Édouard III. L’action discrète de Jean sans Peur favorisa Lancastre contre l’intérêt de la France.
En somme, dans le gouvernement des ducs, l’influence bourguignonne l’emportait toujours. C’était elle qui menait l’État français. Il fallait que Louis d’Orléans, pour être aussi puissant que son cousin, eût comme lui des possessions hors de France. Il acquit le Luxembourg d’où il surveillait les Pays-Bas. Le duc de Bourgogne se sentit menacé et ne songea plus qu’à supprimer son rival. Un soir de 1407, il fit tuer son cousin dans une rue de Paris.
L’assassinat du duc d’Orléans coupa la France en deux. Il cristallisa les partis et fut le signal de la guerre civile. De part et d’autre, on alla chercher des auxiliaires où l’on put en trouver, même anglais. Le parti d’Orléans amena les terribles Gascons du comte d’Armagnac. Le nom d’Armagnac lui en resta, opposé aux Bourguignons. Les ducs de Bourgogne n’avaient cessé de flatter Paris. Paris se prononça pour eux. L’Université, toujours passionnée par l’affaire du schisme, toujours opposée au pape « français », le pape d’Avignon, celui du duc d’Orléans, devint bourguignonne et justifia le crime de Jean sans Peur. Il y eut là des mois d’agitation inouïe, une agitation de parole et de plume comme dans toutes les grandes affaires qui ont divisé la France. L’Université disputeuse se grisait et, de même qu’elle voulait donner un statut à l’Église, elle voulut donner des lois à la France. Le duc de Bourgogne songeait-il à imiter Henri de Lancastre, à prendre la couronne ? Il ne semble pas. De même qu’Étienne Marcel l’avait offerte à Charles de Navarre, l’Université la lui offrait : il répondit qu’il n’était pas capable de gouverner si grand royaume que le royaume de France. Peut-être se contentait-il de favoriser chez nous le désordre : ses intérêts et son cœur étaient aux Pays-Bas.
Jean sans Peur, s’il était dilettante, put jouir du prompt embarras de l’Université, de ces docteurs, de ces disputeurs de profession, chargés tout à coup, par le triomphe de la parole, d’un mandat politique. L’Université demanda le concours du Parlement : la suprême cour de justice ne voulut pas sortir de son rôle, ces hauts magistrats ne voulurent pas se compromettre dans une aventure. L’Université ne fut pas arrêtée par ce refus. Elle était poussée par son orgueil et par son prolétariat, ses étudiants pauvres, ses moines mendiants. Ces intellectuels entreprenaient une révolution et comme il leur fallait des exécutants, ils trouvèrent pour alliée la vieille, puissante et violente corporation de la boucherie. Voilà le carme Eustache en compagnie de Caboche, les théologiens avec les écorcheurs. L’Université de Gerson la main dans la main des émeutiers. L’imprudente théologie fut vite dépassée par les cabochiens. Comme sous Étienne Marcel, Paris vit des scènes révolutionnaires (1413). La Bastille, construite par Charles le Sage pour surveiller la capitale, fut assiégée par le peuple : il y aura, le 14 juillet 1789, un vague souvenir de cet assaut lorsque l’émeute se portera contre la vieille forteresse devenue inoffensive et désarmée. Enfin les insurgés, conduits par un médecin, voulurent s’emparer de la famille royale. L’hôtel Saint-Paul fut forcé à plusieurs reprises et les « traîtres » que le peuple réclamait enlevés sous les yeux du jeune dauphin, quelques-uns massacrés. Le duc de Bourgogne assistait à ces violences qui étaient l’œuvre de ses partisans. On ne l’écouta plus quand il essaya de les modérer. C’était la Terreur. Pour l’apaiser, le duc de Berry conseilla de promulguer l’ordonnance qu’on appelle la grande ordonnance cabochienne et qui mettait bout
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