Histoire de France
ville ennemie des Bourguignons et des cabochiens. Les histoires héroïques de son siège coururent la France. Elles allaient jusqu’aux limites de Champagne et de Lorraine, dans ce village de Domremy où Jeanne d’Arc entendait ses saintes. Et les voix lui disaient ce qu’il fallait faire, ce que nous voyous distinctement aujourd’hui, mais ce que le plus grand des politiques, vivant en ce temps-là, n’eût peut-être vu que pour le juger impossible : « Délivrer Orléans et sacrer le dauphin à Reims. »
C’était la mission de Jeanne d’Arc et elle l’a remplie. Pour la France, c’était le salut. D’un consentement universel, il n’est dans aucun temps, dans aucun pays, aussi pure héroïne, récit plus merveilleux. Nul ne pourra l’entendre que ses yeux ne s’emplissent de larmes. Ce que nous voulons montrer ici, c’est comme le sublime épisode de Jeanne d’Arc entre harmonieusement dans l’histoire de la France, continue le passé et prépare l’avenir.
Jeanne d’Arc a aujourd’hui moins de sceptiques qu’elle n’en trouva de son temps. Dès, le jour où une force mystérieuse poussa cette jeune fille de dix-huit ans à quitter son père, sa mère et son village pour sauver la France, les objections ne manquèrent pas. Jamais elles ne la découragèrent. Ceux qui crurent en elle, le peuple le premier, eurent raison contre les raisonneurs. Et ceux-là mêmes qui n’avaient pas la foi, mais qui voulaient le bien du royaume, se dirent qu’après tout les affaires étaient si bas qu’on ne risquait rien à essayer ce concours providentiel. La cause du dauphin ne pouvait plus compter que sur un miracle. Et ce miracle, la France l’attendait, car à peine Jeanne d’Arc fut-elle partie de Vaucouleurs pour se rendre auprès de Charles VII, que son nom vola de bouche en bouche et rendit courage aux assiégés d’Orléans.
Du point de vue le plus terrestre, du point de vue politique, ce qu’il y a d’incomparable chez Jeanne d’Arc, c’est la justesse du coup d’œil, le bon sens, la rectitude du jugement. Pour sauver la France créée par ses rois, confondue avec eux, il fallait relever la royauté. Pour relever la royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l’héritier qui finissait par perdre espoir, et peut-être doutait de sa naissance même. C’est pourquoi la première rencontre de Jeanne et de Charles VII est si émouvante. Le geste de Jeanne, reconnaissant le dauphin qui la met à l’épreuve, et tombant à ses genoux, est décisif. Le principe sauveur, la monarchie, est désigné. À l’homme, au roi légitime, la confiance en lui-même est rendue.
Elle fut rendue à tous. Il n’était pas rare que les militaires et les politiques qui aimaient le mieux Jeanne d’Arc ne voulussent pas l’écouter. Presque toujours c’était elle qui avait raison, ses pressentiments étaient vérifiés et elle dégageait un tel esprit de tranquille certitude que les gens faisaient sans effort ce qu’elle avait dit. Ainsi fut levé le siège d’Orléans (8 mai 1429). Puis, sans perdre une minute, n’écoutant pas les avis, intéressés ou désintéressés, des faux sages, Jeanne conduisit le roi à Reims. La vraie sagesse était de suivre son inspiration. D’enthousiasme, les Anglais qui essayaient de barrer le passage furent bousculés à Patay. D’enthousiasme, Troyes fut pris. Les gouverneurs bourguignons, effrayés par ce mouvement populaire, ne recevant pas de secours de Bedford, ouvrirent les portes de Châlons et de Reims. Le dauphin y fut sacré solennellement, selon les rites. Dès lors, le petit prince anglais ne pouvait plus être en France qu’un faux roi.
La France, après le sacre, retrouvait avec sa monarchie la condition de son indépendance et l’instrument de son salut. Mais tout ce qui pouvait se faire par miracle était fait. Jeanne d’Arc, après l’apothéose de Reims, eut un de ces pressentiments qui ne la trompaient pas : sa mission était finie. Il ne lui manquait plus que l’auréole du martyre. Son rêve eût été de conduire le roi à Paris après l’avoir conduit à Reims. Elle échoua devant la ville, restée de cœur et d’âme bourguignonne : le « bourgeois de Paris », dans son célèbre Journal, injurie l’héroïne des « Armignats ». Autre échec devant Compiègne : tombée aux mains de Jean de Ligny, Bourguignon, Jeanne, d’ordre du duc de Bourgogne, fut livrée aux Anglais. La lutte des partis continuait et
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