Histoire de France
hérétiques, – qui commençaient à paraître en France. La résistance au protestantisme partait, non pas du pouvoir, indifférent à la Réforme, mais d’un des organes de l’opinion publique. Il en sera ainsi jusqu’au dix-septième siècle et l’on voit déjà paraître le principal caractère des guerres de religion où, du côté catholique, la résistance sera spontanée tandis que la monarchie essaiera de garder le rôle d’arbitre.
À cette heure-là, il y avait d’autres intérêts à défendre et d’autres soucis. L’essentiel était que, pendant la captivité du roi, la France restât calme et unie. Alors il ne servait à rien à l’Empereur d’avoir ce prisonnier. Est-ce que, sans les révolutions parisiennes et l’anarchie, le traité arraché jadis au roi Jean n’eût pas été nul ? Charles Quint ne voulait relâcher François Ier qu’à des conditions exorbitantes : pour lui tout ce qui avait appartenu au Téméraire ; pour Henri VIII la Normandie, la Guyenne, la Gascogne ; pour le duc de Bourbon le Dauphiné, et la Provence. « Plutôt mourir que ce faire », répondit François Ier. Charles Quint gardait son captif sans être plus avancé. Il se rendait odieux, un peu ridicule. L’Anglais commençait à réfléchir, à trouver que l’Empereur devenait bien puissant, tenait peu ses promesses, payait mal et la Chambre des Communes voulait au moins de l’argent. La régente eut l’habileté d’en offrir : la France se trouvait bien d’être riche et de savoir dépenser à propos. Pour deux millions d’écus d’or, Henri VIII changea de camp.
Charles Quint ne pouvait plus rien tirer de son prisonnier que par la lassitude, l’ennui et la crainte que, l’absence du roi se prolongeant, l’ordre ne fût troublé en France. François Ier accepta le traité de Madrid, donnant ses deux fils en otages à son ennemi, mais non sans avoir averti que, signé par contrainte, ce traité serait nul. Charles Quint avait encore exigé la Bourgogne. Le roi, rentré en France, reçut des députés bourguignons la déclaration qu’ils voulaient rester Français et une assemblée spéciale réunie à Cognac déclara qu’il n’était pas au pouvoir du roi d’aliéner une province du royaume (1526).
En réalité, Charles Quint n’ignorait pas que son traité resterait sans effet, mais il devait sortir d’une situation embarrassante. Dans son trop vaste empire, les difficultés ne manquaient pas. Partout où il régnait, il était comme un étranger. L’Espagne n’aimait pas ce Flamand et il avait eu à vaincre l’insurrection des comuneros. La Flandre-Belgique n’aimait pas cet Espagnol. Une partie de l’Allemagne avait passé à Luther et les princes protestants défendaient leur indépendance, les libertés germaniques, contre les projets d’unification de l’Empereur. Enfin, menaçant l’Empire par la Hongrie, il y avait les Turcs, déjà sur la route de Vienne. Pour se défendre contre la puissance germanique, la France devra toujours chercher des alliés dans l’Europe centrale et dans l’Europe orientale. Les princes protestants, les Turcs étaient des auxiliaires qui s’offraient. Une politique, celle de l’équilibre, s’ébaucha.
Le soir même de Pavie, François Ier, en secret, avait envoyé sa bague à Soliman. Le sultan et son ministre Ibrahim comprirent ce signe. Les relations entre la France et la Turquie étaient anciennes. Elles dataient de Jacques Cœur et de Charles VII. Mais c’étaient des relations d’affaires. Devenir l’allié des Turcs pour que le roi franchît un tel pas, il fallait la nécessité. « Les Turcs occupent l’Empereur et font la sûreté de tous les princes », disait François Ier aux Vénitiens. Il ira encore plus loin puisqu’il lancera contre son ennemi jusqu’aux pirates d’Alger. Cette alliance avec l’Infidèle, c’était cependant la fin de l’idée de chrétienté. Dans la mesure où elle avait existé, où elle avait pu survivre à tant de guerres entre les nations d’Europe, la conception de la République chrétienne était abolie. Elle l’était par le germanisme lui-même qui posait à la France une question de vie ou de mort, lui ordonnait de se défendre. Cette guerre était le commencement des guerres inexpiables où la vieille Europe viendrait tant de fois s’engloutir pour de nouvelles métamorphoses. Le roi Très Chrétien envoyait sa bague à Soliman. Mais bientôt (car la répudiation par
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