Histoire de France
avec l’étranger contre la sûreté de l’État. Grave complot, car le duc était puissant par ses alliances de famille, ses vastes domaines, et, connétable, il était, avant le roi, chef de l’armée. François Ier agit avec promptitude et vigueur. « On ne reverra pas, dit-il, les temps de Charles VI. » Il ordonna l’arrestation des complices du connétable, effraya par un lit de justice le Parlement de Paris, fort peu sûr. Quant au connétable lui-même, il réussit à s’enfuir et porta désormais les armes contre la France. L’horreur que ce crime contre la patrie inspira était de bon augure. Elle étouffa le mécontentement, que causaient déjà les impôts, les sacrifices d’argent exigés par la guerre.
Sur toutes nos frontières, on se battait et la France fut réduite à la défensive, quand elle eut perdu le Milanais pour la troisième fois. Il ne s’agissait plus d’une guerre de magnificence, mais de tenir l’ennemi loin des Alpes et de laisser l’Italie entre lui et nous. Cette couverture était perdue. La France courut alors un grand danger. Autour d’elle, le cercle de l’investissement se resserra : du dehors on la crut perdue. Paris menacé dut s’entourer de tranchées à la hâte. Heureusement les Impériaux furent arrêtés, battus en Champagne. Henri VIII, mécontent de son allié, craignant de trop s’engager, se retira. En même temps qu’à ce péril, nous avions échappé au péril ordinaire : la trahison à l’intérieur. On pouvait compter sur l’unité morale du pays.
On en avait besoin. Charles Quint était décidé à redoubler ses coups. Les généraux français essayèrent encore de dégager l’Italie. Après huit mois de campagne, il fallut reculer. Cette fois, la route du Midi était ouverte à l’invasion. Les Impériaux entrèrent en Provence, le duc de Bourbon à leur tête, et vinrent assiéger Marseille dont la résistance permit au roi d’accourir avec une armée. L’ennemi dut lever le siège, battre en retraite avec précipitation et repasser en Italie où le roi crut tenir la victoire. Au lieu de la victoire, ce fut un désastre. Le sort tourna devant Pavie (1525) et le roi tomba prisonnier aux mains de l’ennemi, comme jadis à Poitiers Jean le Bon. François Ier le dit lui-même : il ne lui était demeuré que l’honneur et la vie.
Il n’est pas douteux que Charles Quint ait cru qu’en tenant le roi il tenait la France, comme Édouard III l’avait tenue après Poitiers. Mais cette fois il n’y eut ni désordre ni trahison : le sentiment public ne l’aurait pas supporté. On vit bien un essai de complot, qui avorta, pour enlever la régence à la mère du roi, Louise de Savoie. Quelques intrigants et agents de l’ennemi tentèrent aussi, mais en vain, de réveiller le parti bourguignon à Paris et de retrouver des partisans du duc de Bourbon dans ses anciens domaines. La régente se garda de convoquer des états généraux : c’était assez d’un Étienne Marcel. La seule opposition qu’elle rencontra fut une opposition légale, celle du Parlement de Paris qui a avait été, qui était peut-être encore secrètement sympathique au duc de Bourbon. Cet incident vaut qu’on s’y arrête, car il annonce bien des choses qui vont suivre.
Par ses attributions même, le Parlement, corps judiciaire, avait pris un caractère politique. Chargé d’enregistrer les édits, il les examinait et il participait ainsi au pouvoir législatif. Il s’était formé chez lui des traditions et des doctrines. Muni du droit de remontrance, il critiquait le gouvernement, il se donnait un air libéral. Un conflit avait déjà éclaté au sujet du Concordat que le Parlement trouvait tout à la fois contraire aux libertés de l’Église gallicane et trop propre à renforcer l’autorité du roi en lui donnant la nomination aux bénéfices ecclésiastiques. Le Parlement avait dû s’incliner devant la volonté du roi, mais il restait attaché à son principe et il gardait surtout rancune au négociateur du Concordat, le chancelier Duprat : nous retrouverons sous Mazarin cette opposition du Parlement au premier ministre. Après Pavie, l’occasion parut bonne aux grands magistrats parisiens de prendre leur revanche et d’acquérir de la popularité en accusant de nos revers les financiers et leurs concussions. Mais, chose plus importante, le Parlement se plaignait que le gouvernement ne poursuivît pas les réformateurs religieux, – il disait les
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