Histoire de France
manquerait-il ? D’être empereur comme son grand-père, de disposer de l’Allemagne autant que l’empereur élu pouvait en disposer.
Maximilien mourut en 1519. Contre Charles d’Autriche, pour empêcher cette formidable concentration, François Ier conçut l’idée de se porter candidat à l’Empire. Pourquoi non ? Le choix des électeurs allemands était libre. Quelques-uns étaient nos amis, d’autres à vendre. La lutte électorale entre les deux rois fut la même que si l’enjeu avait été un clocher. Bien que quelques princes seulement fussent électeurs, l’opinion publique comptait, elle pesait sur leurs votes : on fit campagne contre François Ier dans les cabarets allemands et les deux concurrents n’épargnèrent ni l’argent, ni la réclame, ni les promesses, ni la calomnie. Pour combattre l’or du candidat français, les grands banquiers d’Augsbourg, les Fugger, vinrent au secours non de l’Autrichien, mais du prince qui, par Anvers, tenait le commerce de l’Allemagne. L’opération de banque réussit. Au vote, Charles l’emporta. La monstrueuse puissance était constituée, l’Espagne et l’Allemagne accouplées. Mais, quelques mois plus tard, Luther brûlait à Wittenberg la bulle du pape. L’Allemagne aurait sa guerre religieuse, et avant nous. La France saurait en profiter. Une Allemagne unie, avec l’empereur vraiment maître, telle que le rêvait Charles Quint, c’eût peut-être été notre mort.
Au moins, c’eût été l’étouffement. La France était bloquée au nord, à l’est, sur les Pyrénées : nous finissions par comprendre l’instinct qui la portait, sous tant de prétextes, avec entêtement, à se donner de l’air du côté de l’Italie. Et pourquoi le conflit était-il inévitable ? Charles Quint n’avait-il pas assez de terres ? Ne pouvait-il s’en contenter ? Mais la vie des peuples a comme des lois fixes. Pour l’Europe, c’est de ne pas supporter une grande domination : cela s’est vu depuis la chute de l’Empire carolingien. Pour l’Allemagne, c’est d’envahir ses voisins dès qu’elle est forte : cela s’est vu toujours. Et pour la France, c’est d’avoir des frontières moins incertaines à l’est, dans les territoires que le germanisme ne cesse de lui contester. L’Empire de Charles Quint était démesuré. Il était absurde. Et si la France était restée ce qu’elle était alors, que ne lui eût-il pas manqué ? Malgré tant de progrès, quel inachèvement ! Dunkerque, Verdun, Nancy, Besançon étaient encore au-delà de ses limites. La France pouvait-elle se passer de tant de villes et de provinces dont nous n’imaginons pas aujourd’hui que nous soyons séparés ? Il fallait se ceindre les reins pour la lutte qui s’offrait.
Les deux adversaires sentirent qu’elle serait grave et chacun voulut mettre les chances de son côté. Chacun rechercha des alliances. Le danger était toujours le même pour nous. C’était une coalition où l’Angleterre entrerait, l’Angleterre qui, par Calais, avait une porte ouverte ici. L’arbitre de la situation, c’était Henri VIII et il ne l’ignorait pas. Il réfléchissait aussi. Ne serait-ce pas grave pour l’Angleterre, si l’empereur, roi d’Espagne, venait à dominer l’Europe ? Henri VIII se laissa courtiser par François Ier qui essaya de gagner son ministre Wolsey, de l’éblouir et de le séduire lui-même à l’entrevue célèbre du Camp du Drap d’Or. L’Anglais ne repoussa pas davantage les avances de Charles Quint. Finalement il opta pour l’empereur qui, de son côté, n’avait pas été avare de promesses. Et puis, au fond, l’Angleterre ne pouvait se consoler d’avoir été chassée de France et il semblait que l’heure de la démembrer fût venue. Alors Charles Quint, fort de l’alliance anglaise, n’hésita plus. En l’année 1521 commence cette lutte entre la France et la maison d’Autriche, c’est-à-dire entre la France et l’Allemagne, qui, sous des formes diverses, s’est perpétuée jusqu’à nos jours, qui peut-être n’est pas finie.
Pour avoir raison de la France, l’ennemi a toujours su qu’il devait trouver des partisans chez elle. Mais les anciennes factions avaient disparu et il ne s’en était pas encore formé d’autres. De la haute féodalité vaincue par Louis XI, il ne restait qu’un seul représentant : il trahit. Le duc-connétable de Bourbon, un ambitieux, aigri, osa, quoique prince du sang, conspirer
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