Histoire de France
réfléchie » lâcha pied le premier. Au Portugal, les Anglais imposèrent les traités de Lord Methuen qui plaçaient en quelque sorte ce pays sous leur protectorat. Ils profitèrent aussi des circonstances pour s’installer à Gibraltar où ils sont restés depuis, et à Port-Mahon. L’Angleterre se servait, elle assurait sa domination maritime, tout en affectant de mener le bon combat pour la liberté de l’Europe. D’ailleurs, sur terre et sur mer, elle conduisait de plus en plus vigoureusement la lutte, maintenait entre les coalisés une union difficile, ne marchandait pas les subsides à l’empereur et reconnaissait comme roi d’Espagne l’archiduc Charles que sa flotte débarqua en Catalogne. Marlborough et le prince Eugène étaient des adversaires redoutables, nos généraux moins bons et moins heureux, notre marine, négligée depuis la Hougue, réduite à la guerre de corsaires. Après la défaite de l’armée franco-bavaroise à Hœchstœdt, la Bavière fut réduite à merci, l’Allemagne perdue pour nous. Le Milanais et la Flandre belge le furent à leur tour. En 1706, après quatre ans de guerre, les armées françaises étaient refoulées sur nos frontières qu’il fallait défendre en même temps que l’Espagne envahie. Énorme effort où s’épuisait la France, qui arrivait à peine à contenir l’ennemi sur les lignes préparées par Vauban. Les mauvaises nouvelles se succédaient. Le territoire fut entamé et la prise de Lille fut ressentie comme un coup terrible. À la fin de l’année 1708, les coalisés se crurent certains que la France était perdue. Louis XIV avait tenté de bonne heure d’ouvrir des négociations, craignant que les résultats acquis dans la première partie de son règne ne lussent compromis : c’était au fond ce que la coalition voulait. À chacune de ses offres elle répondait par des exigences plus fortes. L’empereur avait d’abord demandé Strasbourg, puis toute l’Alsace. Louis XIV fût allé jusqu’à abandonner Philippe V : la coalition voulut en outre qu’il s’engageât à combattre son petit-fils pour l’obliger à laisser l’Espagne à l’archiduc Charles. Encore, à ce prix, la France n’eût-elle obtenu qu’une suspension d’armes de deux mois, « un armistice misérable et incertain ».
L’intention de ruiner et de démembrer notre pays était évidente. Il fallait résister jusqu’au bout, quels que fussent le désir et le besoin de la paix, et, pour cela, expliquer à l’opinion publique que nos ennemis nous obligeaient à continuer la guerre. On conseillait à Louis XIV de convoquer les états généraux : il ne voulut pas de ce remède dangereux. Il préféra écrire une lettre, nous dirions aujourd’hui un message, dont lecture fut donnée dans tout le royaume et les Français y répondirent par un nouvel élan. Cette faculté de redressement qui leur est propre parut encore à ce moment-là. Les récriminations ne manquèrent pas non plus, ni les gens qui réclamaient des réformes et à qui les revers fournissaient l’occasion de se plaindre du régime.
La résistance ne fut pas inutile, car nos ennemis à leur tour se fatiguaient. En somme, sauf au nord, la France n’était pas envahie et, sur nos lignes de défense, nous ne reculions que pied à pied. La journée de Malplaquet, en 1709, l’année terrible, fut encore malheureuse pour nous, mais elle coûta horriblement cher aux Alliés. Les négociations recommencèrent avec un plus vif désir d’aboutir chez les Anglais, las de soutenir la guerre continentale par des subsides aux uns et aux autres. Les tories, c’est-à-dire approximativement les conservateurs, arrivèrent au pouvoir et le parti tory nous était moins défavorable que le whig, c’est-à-dire les libéraux. Il comprit que le moment était venu pour l’Angleterre de consolider les avantages maritimes et coloniaux que la guerre lui avait rapportés. De plus, un événement considérable s’était produit en Europe : par la mort inopinée de l’empereur Joseph, l’archiduc Charles avait hérité de la couronne d’Autriche. En continuant la guerre à leurs frais pour lui donner l’Espagne, les Anglais auraient travaillé à reconstituer l’Empire de Charles Quint non plus par métaphore mais dans la réalité. La combinaison que Louis XIV acceptait, c’est-à-dire la séparation des deux monarchies de France et d’Espagne, n’était-elle pas préférable ? Il se trouvait qu’au
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