Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
’É thique à Eudème, la première, la plus rapprochée de Platon ; l ’ Éthique à Nicomaque ; la Politique qui trahit deux inspirations différentes : d ’ une part celle des livres H et Θ qui contiennent la théorie d ’ un État idéal, dont A, B, Γ sont l ’ introduction ; d ’ autre part celle du groupe Δ, E, Z, recherches politiques positives partant d ’ une très vaste induction historique ; il est de la dernière époque d’Aristote, de l ’ époque où il décrivit les constitutions d ’ une centaine de villes, dont la première seule, la Constitution d ’ Athènes , a été retrouvée.
Enfin, il faut ajouter quelques apocryphes qui se sont glissés dans la collection des œuvres, dont l ’ un, les Problèmes, dérive de l ’ école et a un intérêt de premier ordre.
I. — L ’O RGANON : LES TOPIQUES
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Aristote est l ’ inventeur de la logique formelle, c ’ est-à-dire de cette partie de la logique qui donne des règles de raisonnement indépendantes du contenu des pensées sur lesquelles on raisonne. Mais, malgré l ’ apparence, les écrits logiques réunis sous le nom d ’ O rganon (instrument) ne donnent nullement un exposé systématique de cette logique. En apparence, en effet, ils se rangent selon les titres de chapitres des manuels classiques de logique : 1° Catégories contenant la théorie des termes ; 2° De l ’ Interprétation , ou théorie des propositions ; 3° Premiers Analytiques, ou théorie de syllogisme en général ; 4° Seconds Analytiques, ou théorie de la démonstration, c ’ est-à-dire du syllogisme dont les prémisses sont nécessaires ; 5° Topiques , ou théorie du p.172 raisonnement dialectique et probable, dont les prémisses ne sont que des opinions généralement acceptées ; 6° Rhétorique , théorie du raisonnement oratoire ou enthymème, dont les prémisses sont choisies de manière à persuader l ’ auditoire. Le syllogisme, dont les deux premiers traités ont montré les éléments, est l ’ organe commun, étudié par le troisième traité, dont usent également savants, dialecticiens et orateurs, chacun avec des prémisses différentes.
La réalité est autre. Aristote a écrit les Catégories et la plus grande partie des Topiques (livres II à VII) avant d ’ avoir découvert le syllogisme. Il n ’ a d ’ abord médité sur les règles du raisonnement qu ’ en songeant aux règles d ’ une saine discussion. Déjà, dans le Sophiste et le Parménide de Platon, l ’ un a vu comment l ’ idée des cadres logiques (division et classification des termes, détermination des genres premiers, relations de l ’ attribut au sujet) naissait des conditions de la discussion ; il s ’ agissait avant tout d ’ avoir raison des antilogiques ou éristiques. C ’ est dans ce milieu de dialecticiens ardents qu ’ est née la logique d ’ Aristote. Or le dialecticien n ’ a ni les procédés du professeur qui expose, ni encore moins ceux du savant qui crée la science ; la dialectique est un dialogue où un interlocuteur , le demandant, soumet à un autre, au répondant, un problème ou une thèse ; à chaque question, il doit être répondu par oui ou par non ; le but de l ’ interrogatoire est en général de réfuter le répondant en l ’ amenant à se contredire.
On a vu par quelle transposition Platon avait fait de cette dialectique le tout de la philosophie. Aristote a dû abandonner de bonne heure pareil espoir ; il abaisse la dialectique ou art de la discussion au rang d ’ un exercice, qui n ’ apporte pas une certitude, parce qu ’ elle a égard non pas aux choses mêmes, mais aux opinions des hommes sur les choses. Ce qui définit la dialectique comme telle, c ’ est moins en effet la structure logique du raisonnement que les rapports humains qu ’ elle implique ; dans une saine discussion, on doit veiller à ne prendre comme points p.173 de départ que des propositions généralement acceptées, soit de tous les hommes, soit des hommes compétents, s ’ il s ’ agit d ’ une thèse technique ; de plus , les questions posées ne doivent être ni trop faciles, puisque la réponse est inutile, ni trop difficiles, puisque l ’ on doit y répondre sur-le-champ [232] . De pareils procédés ne peuvent amener qu ’ à analyser et comparer des jugements pour en montrer l ’ accord ou le désaccord.
Mais cet exercice est indispensable, et c ’ est en lui que nous allons
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