Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
peu vives, l’empereur donna l’ordre au général Miollis d’occuper Rome ; le pape le menaça d’excommunication, et Napoléon lui enleva les légations d’Ancône, d’Urbin, de Macérata, de Camérino, qui firent partie du royaume italien. Le légat quitta Paris le 3 avril 1808 ; et la lutte religieuse, pour des intérêts temporels, s’engagea avec le chef de l’église, qu’il aurait fallu ne pas reconnaître, ou ne pas dépouiller.
La guerre avec la Péninsule fut plus sérieuse encore. Les Espagnols reconnurent pour roi Ferdinand VII, dans une junte provinciale tenue à Séville le 27 mai 1808, et ils prirent les armes dans toutes les provinces que n’occupaient point les troupes françaises. Les Portugais se soulevèrent aussi le 16 juin à Oporto. Ces deux insurrections eurent d’abord les suites les plus heureuses ; elles firent en peu de temps de rapides progrès. Le général Dupont mit bas les armes à Baylen dans le royaume de Cordoue, et ce premier revers des armes françaises excita l’enthousiasme et l’espérance des Espagnols. Joseph Napoléon quitta Madrid, où fut proclamé Ferdinand VII ; et vers le même temps Junot n’étant pas assez fort en troupes pour garder le Portugal, consentit à l’évacuer avec tous les honneurs de la guerre, par la convention de Cintra. Le général anglais Wellington prit possession de ce royaume avec vingt-cinq mille hommes. Tandis que le pape se déclarait contre Napoléon, tandis que les insurgés espagnols entraient dans Madrid, tandis que les insulaires remettaient le pied sur le continent, le roi de Suède se montrait ennemi de la ligue impériale européenne, et l’Autriche faisait des armements considérables, et se disposait à une nouvelle lutte.
Heureusement pour Napoléon, la Russie resta fidèle à l’alliance et aux engagements de Tilsitt. L’empereur Alexandre était alors dans un accès d’enthousiasme et d’affection pour ce puissant et extraordinaire mortel. Napoléon qui, avant de porter ses forces dans la Péninsule, voulait s’assurer du nord, eut avec Alexandre une entrevue, à Erfurth, le 27 septembre 1808. Les deux maîtres de l’occident et du nord se garantirent le repos et la soumission de l’Europe ; Napoléon marcha en Espagne, et Alexandre se chargea de la Suède. La présence de l’empereur fit bientôt changer la fortune de la guerre dans la Péninsule ; il amenait avec lui quatre-vingt mille vieux soldats, venus d’Allemagne. Des victoires multipliées le rendirent maître de la plupart des provinces espagnoles. Il fit son entrée dans Madrid, et il se présenta aux habitants de la Péninsule, non comme un maître, mais comme un libérateur. « J’ai aboli, leur disait-il, ce tribunal d’inquisition contre lequel le siècle et l’Europe réclamaient. Les prêtres doivent guider les consciences, mais ne doivent exercer aucune juridiction extérieure et corporelle sur les citoyens. J’ai supprimé les droits féodaux, et chacun pourra établir des hôtelleries, des fours, des moulins, des madragues, des pêcheries, et donner un libre essor à son industrie. L’égoïsme, la richesse et la prospérité d’un petit nombre d’hommes nuisaient plus à votre agriculture, que les chaleurs de la canicule. Comme il n’y a qu’un Dieu, il ne doit y avoir dans un état qu’une justice. Toutes les justices particulières avaient été usurpées, et étaient contraires aux droits de la nation ; je les ai détruites… La génération présente pourra varier dans son opinion ; trop de passions ont été mises en jeu : mais vos neveux me béniront comme votre régénérateur ; ils placeront au nombre des jours mémorables ceux où j’ai paru parmi vous, et de ces jours datera la prospérité de l’Espagne. »
Tel était en effet le rôle de Napoléon dans la Péninsule, qui ne pouvait être rendue à une existence meilleure et à la liberté que par la reprise de la civilisation. On ne brusque pas plus l’établissement de l’indépendance qu’autre chose ; et lorsqu’un pays est ignorant, arriéré, pauvre, couvert de couvents et gouverné par des moines, il faut refaire son état social avant de songer à sa liberté. Napoléon, qui opprimait les nations civilisées, était un restaurateur véritable pour la Péninsule. Mais les deux partis de la liberté civile et de la servitude religieuse, celui des cortès et celui des moines, quoique bien opposés dans leur but,
Weitere Kostenlose Bücher