Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
de se soumettre à son ultimatum.
La campagne s’ouvrit aux premiers jours d’octobre. Napoléon accabla, selon son ordinaire, la coalition par la promptitude de sa marche, et la vigueur de ses coups. Le 14 octobre, il détruisit à Iéna la monarchie militaire de Prusse, par une victoire décisive ; le 16, quatorze mille Prussiens mirent bas les armes à Erfurth ; le 25, l’armée française entra dans Berlin, et la fin de 18o6 fut employée à prendre les forteresses prussiennes, et à marcher en Pologne contre l’armée russe. La campagne de Pologne fut moins rapide, mais aussi brillante que celle de Prusse. La Russie se mesura, pour la troisième fois, avec la France. Vaincue à Zurich, vaincue à Austerlitz, elle le fut encore à Eylau et à Friedland. Après ces mémorables journées, l’empereur Alexandre entra en négociation et conclut à Tilsitt, le 21 juin 1807, un armistice qui fut suivi, le 7 juillet, d’un traité définitif.
La paix de Tilsitt étendit la domination française sur le continent. La Prusse fut réduite de moitié. Napoléon avait institué, dans le midi de l’Allemagne, les deux royaumes de Bavière et de Wurtemberg contre l’Autriche ; il créa, plus avant dans le nord, les deux royaumes feudataires de Saxe et de Westphalie contre la Prusse. Celui de Saxe fut formé de l’électorat de ce nom et de la Pologne prussienne, érigée en grand duché de Varsovie ; celui de Westphalie comprit les états de Hesse-Cassel, de Brunswick, de Fuld, de Paderborn, la plus grande partie du Hanovre, et fut donné à Jérôme Napoléon. L’empereur Alexandre, qui souscrivit à tous ces arrangements, évacua la Moldavie et la Valachie. La Russie demeura pourtant la seule puissance intacte, quoique vaincue. Napoléon suivait de plus en plus les traces de Charlemagne ; il avait fait porter devant lui, le jour de son sacre, la couronne, l’épée et le sceptre du roi franc. Un pape avait passé les Alpes pour consacrer, sa dynastie, et il modelait ses états sur le vaste empire de ce conquérant. La révolution avait voulu rétablir la liberté antique ; Napoléon restaura la hiérarchie militaire du moyen âge ; elle avait fait des citoyens, il fit des vassaux ; elle avait changé l’Europe en républiques, il la transforma en fiefs. Comme il était grand et fort, comme il était survenu après une secousse qui avait fatigué le monde en l’ébranlant, il put l’arranger passagèrement, selon sa pensée. Le grand empire s’éleva au dedans avec son système d’administration, qui remplaça le gouvernement des assemblées ; ses cours spéciales, ses lycées, où l’éducation militaire fut substituée à l’éducation républicaine des écoles centrales ; sa noblesse héréditaire, qui compléta, en 1808, le rétablissement de l’inégalité ; sa discipline civile ; qui rendit la France entière obéissante au mot d’ordre comme une armée ; au dehors, avec ses royaumes secondaires, ses états confédérés, ses grands fiefs et son chef suprême. Napoléon n’éprouvant plus de résistance nulle part, put courir et commander d’un bout du continent à l’autre.
À cette époque, toute l’attention de l’empereur se dirigea sur l’Angleterre, la seule puissance qui pût se soustraire à ses atteintes. Pitt était mort depuis un an, mais le cabinet britannique suivait avec beaucoup d’ardeur et d’opiniâtreté ses plans à l’égard de la révolution et de l’empire. Après avoir vainement formé une troisième et une quatrième coalition, il ne déposa point les armes. La guerre était à mort. La Grande-Bretagne avait déclaré la France en état de blocus ; et elle fournit à l’empereur le moyen de la placer elle-même, par une mesure semblable, hors des relations européennes. Le blocus continental qui commença en 1807, fut la seconde période du système de Bonaparte. Pour arriver à une suprématie universelle et non contestée, il employa les armes contre le continent, et la cessation du commerce contre l’Angleterre. Mais en interdisant aux états de terre-ferme toute communication avec la Grande-Bretagne, il se prépara de nouvelles difficultés, et il ajouta bientôt aux inimitiés d’opinion qu’excitait son despotisme, aux haines d’état que lui faisait encourir sa domination conquérante, le déchaînement des intérêts privés, et la souffrance commerciale, occasionnés par le blocus.
Cependant toutes les
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