Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
inférieure pouvant bien agir et gouverner pendant une crise, mais ne le pouvant pas toujours. Cependant c’était sur elle qu’il fallait s’appuyer, en consentant à cette seconde révolution. Les Girondins ne le firent point, et ils se trouvèrent placés dans une position tout-à-fait fausse ; ils perdirent l’assistance des constitutionnels, sans se donner celle des démocrates, et ils n’eurent ni le haut ni le bas de la société : aussi ne formèrent-ils qu’un demi-parti qui fut vite abattu, parce qu’il était sans racine. Les Girondins, après le 10 août, furent entre la classe moyenne et la multitude, ce que les Monarchiens ou le parti Necker et Mounier avait été, après le 14 juillet, entre les classes privilégiées et la bourgeoisie.
La Montagne, au contraire, voulait la république avec le peuple. Les chefs de ce parti, offusqués du crédit des Girondins, cherchaient à les abattre et à les remplacer ; ils étaient moins éclairés, moins éloquents, mais plus habiles, plus décidés, et nullement scrupuleux dans leurs moyens. La démocratie la plus extrême leur semblait le meilleur des gouvernements ; et ce qu’ils appelaient le peuple, c’est-à-dire la classe inférieure, était l’objet de leurs flatteries continuelles et de leur plus ardente sollicitude. Nul parti n’était plus dangereux, mais plus conséquent ; il travaillait pour ceux avec lesquels il combattait.
Dès l’ouverture de la Convention, les Girondins avaient occupé la droite, et les Montagnards la crête de la gauche, d’où leur vint le nom sous lequel nous les désignons. Les Girondins étaient les plus forts dans l’assemblée : en général les élections des départements avaient été dans leur sens. Un grand nombre des députés de l’assemblée législative avaient été réélus ; et comme, dans ce temps, les liaisons font beaucoup, tous les membres qui avaient été unis à la députation de la Gironde ou à la commune de Paris, avant le 10 août, revenaient avec les mêmes opinions. D’autres arrivaient sans système, sans parti, sans attachement, sans inimitié : ils formèrent ce qu’on appela, à cette époque, la Plaine ou le Marais. Cette réunion, désintéressée dans les luttes de la Gironde et de la Montagne, se rangea du côté le plus juste, tant qu’il lui fut permis d’être modérée, c’est-à-dire tant qu’elle ne craignit pas pour elle-même.
La Montagne était composée des députés de Paris qui avaient été élus sous l’influence de la commune du 10 août, et de quelques républicains très-prononcés des départements ; elle se recruta ensuite de ceux que les événements exaltèrent, ou que la peur lui associa. Mais, quoique inférieure en nombre dans la convention, elle n’en était pas moins très-puissante, même à cette époque. Elle régnait dans Paris ; la commune lui était dévouée, et la commune était parvenue à se faire la première autorité de l’état. Les Montagnards avaient tenté de maîtriser les divers départements de la France, en établissant entre la municipalité de Paris et les autres municipalités une correspondance de desseins et de conduite ; ils n’avaient pourtant pas complètement réussi, et les départements étaient en très-grande partie favorables à leurs adversaires, qui cultivaient leurs bonnes dispositions au moyen de brochures et de journaux envoyés par le ministre Roland, dont les Montagnards nommaient la maison un bureau d’esprit public et les amis des ingrats. Mais, outre l’affiliation des communes, qui tôt ou tard devait leur réussir, ils avaient l’affiliation des Jacobins. Ce club, le plus influent, comme le plus ancien et le plus général, changeait d’esprit à chaque crise, sans changer de nom : c’était un cadre tout prêt pour les dominateurs, qui en excluaient les dissidents. Celui de Paris était la métropole du jacobinisme, et gouvernait presque souverainement les autres. Les Montagnards s’en étaient rendus maîtres ; ils en avaient déjà éloigné les Girondins à force de dénonciations et de dégoûts, et ils y avaient remplacé les membres tirés de la bourgeoisie par des sans-culottes. Il ne restait aux Girondins que le ministère, qui, contrarié par la commune, était impuissant dans Paris. Les Montagnards disposaient, au contraire, de toute la force effective de la capitale, de l’esprit public par les Jacobins, des sections et des faubourgs
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